Souvenez-vous, en décembre dernier nous étions parti près des thermes à la découverte de la Tourreluque, la dernière tour encore debout parmi celles que comptaient les fortifications de la ville au XIVe siècle. Bien qu’elle puisse se vanter d’être la dernière tour la mieux conservée de cette période (si l’on met de côté les vestiges morcelés présents rue des Guerriers, des Ménudières et le long du Cours Sextius). Et bien sachez qu’elle n’est pas la seule à être encore debout.
Il en existe en effet une seconde qui se trouve au débouché de la rue Lisse-Bellgarde et qui date du XVe siècle. Pour être précis, elle se trouve au croisement de trois rues: la rue Saint-Henri, la rue Loubet et la rue Lisse-Bellegarde, face à la placette Jean Richard.
Avant toute chose, il faut déjà comprendre à quoi ressemblait la ville à cette époque. Pour cela, je vous invite à consulter ce lien: « Aix au fil des siècles » et à y observer les cartes de la ville aux XIVe et XVe siècles. Ce que l’on découvre, c’est qu’au XVe siècle la ville fut agrandie vers l’est.
Je précise tout de même que l’agrandissement visible sur mes vues ne s’est pas fait en une fois mais en plusieurs étapes qui se sont déroulées tout au cours du siècle.
Au commencement: le faubourg de Naurabet :
Le faubourg de Naurabet, tel était le nom de cette zone lorsqu’elle commença à être habitée. Un nom qui serait celui de la première famille qui y aurait bâti des habitations, comme nous l’apprend l’auteur Roux Alphéran. Et si ce nom de « Naurabet » vous dit peut-être quelque chose c’est très probablement car vous avez pu le voir inscrit sur deux plaques se trouvant chacune aux deux entrées du passage traversant le parking Bellegarde qui relie le boulevard Aristide Briand à la rue Lisse-Bellegarde.
Lisse ou Lice? – Toponymie de la zone :
– Concerant le nom de la rue Lisse-Bellegarde dans laquelle se trouve la tour:
Plusieurs rues à Aix possèdent encore un nom qui commence par « lisse » comme la rue Lisse-Saint-Louis ou encore la rue Lisse-des Cordeliers. Elles ont toutes un point commun: celui d’avoir directement longé les remparts entourant Aix à un moment donné de l’histoire de la ville. (Tôt pour certaines, plus tard pour d’autres).
La plupart de ces rues ont leur nom qui s’écrit « lisse », mais l’orthographe correcte serait plutôt « lice » qui viendrait de « līstia » un mot d’ancien français signifiant bord ou bordures, les lices étant autrefois les bordures longeant des fortifications. A présent, nous comprenons mieux le pourquoi du nom de la rue Lisse-Bellegarde: elle longeait le rempart. Précisons au passage que sur certains plans anciens l’orthographe de nos actuelles rues « lisses » est bien « lice ».
Pour preuve, sur le plan ci-dessous de 1897, la rue est orthographiée « lice »:
Précisons que le terme « lices » désignait aussi les zones longeant le rempart à l’extérieur (voyez cette définition).
– Concernant le nom de ce nouveau quartier « Bellegarde »:
Il viendrait dit-on, d’une ancienne tour de défense que l’on aurait érigé près de la porte Bellegarde qui se trouvait au débouché de l’actuelle rue Mignet (ancienne rue Bellegarde). Peut-être faut-il voir dans ce nom de « Belle-Garde » une référence au côté défensif de cette ancienne installation aujourd’hui disparue.
L’édifice :
Enclavée dans les constructions environnantes jusqu’à il y a encore peu d’années, cette tour fut dégagée et offerte à la vue de tous en 2010, année où fut construite la nouvelle entrée du collège Campra. Malgré son dégagement quasi intégral, elle reste tout de même bien camouflée par la façade qui la recouvre. Car comme bien des vestiges d’anciennes fortifications, elle fut reconvertie en habitations, probablement à une période où son rôle défensif n’était plus nécessaire. Pour mieux l’observer, il ne faut pas hésiter à monter les marches du parvis du collège et ainsi l’observer par derrière pour prendre conscience de la masse imposante de cet édifice.
Contrairement à la Tourreluque, on constate qu’elle n’est pas de forme polygonale mais carrée. Elle est relativement haute mais n’oublions pas qu’il est probable que, comme pour la Tourreluque, nous ne voyions que sa partie visible et que sa base soit enfouie sous le niveau du sol actuel qui fut probablement rehaussé au fil du temps. Ce qui me pousse à penser cela, c’est la présence d’une archère qui se trouve bien trop bas pour avoir été volontairement installée à une si faible hauteur.
Tant qu’à faire, nous n’allons pas nous limiter à la tour, continuons donc vers l’est à la découverte des traces encore visibles des anciennes fortifications de cette période :
Les vestiges des remparts du XVe siècle dans le quartier Bellegarde :
Si l’on continue d’avancer dans la rue Lisse-Bellegarde, on distingue un mur en pierre qui longe le parking Bellegarde. Ce mur qui n’est apparemment pas d’origine est fait de pierres similaire à celles de la tour. Reconstitué « à l’ancienne », il suit le tracé de l’ancien rempart.
En allant en direction de la place Bellegarde, on distingue encore, à l’angle du parking une portion de l’ancienne enceinte du XVe siècle. Bien que de faible largeur, on remarquera tout de même sa hauteur par rapport à la porte.
Tout comme sur la tour, on distingue la présence d’une archère sur cette partie de la muraille:
Ne nous arrêtons pas en si bon chemin et avançons vers une place située tout près :
La Place Bellegarde :
Après un historique du quartier, une découverte de la tour et après avoir observé ce qu’il reste des murailles du XVe siècle en empruntant la rue Lisse-Bellegarde (dont nous connaissons maintenant l’origine de sa dénomination), nous voici à présent sur la place Bellegarde.
Cette place fut créée après la destruction de la porte Bellegarde qui comme la majorité des portes de la ville fut démolie vers la moité du XIXe siècle. Elle accueille aujourd’hui une fontaine surmontée d’un buste de François-Marius Granet, peintre aixois du XIXe siècle. La colonne qui s’y dresse provient du mausolée de l’ancien Palais des Comtes de Provence. Elle partage cette particularité avec deux autres fontaines de la ville: celle de la place des Augustins et la fontaine située à l’entrée du cours Saint-Louis (voir cette photo). La fontaine de cette place ne serait cependant pas la première car un tableau ancien de Jean-Jérôme Baugean (1764-1819) représente la porte Bellegarde s’ouvrant déjà à cette sur une fontaine.
– Note: J’émets cette supposition dans la mesure où sur cette peinture, on distingue l’ancienne porte en arrière plan d’une première fontaine qui ne ressemble pas à l’actuelle. Détail imaginé par l’auteur? Je ne saurais le confirmer.
– Note (bis): Une représentation de ce tableau est visible en bas à droite de la page 25 de ce (gros) document PDF publié par la mairie d’Aix. Je ne préfère pas la publier en raison d’éventuels droits d’auteurs mais le document est consultable en ligne.
– Voici la porte Bellegarde reconstituée en 3 dimensions :
Pour conclure :
Pour revenir une dernière fois sur la tour se trouvant dans la rue Lisse-Bellegarde, quoi de mieux que l’une des premières (si ce n’est la première) représentation de cette tour (et de la ville) sur une gravure datée de 1575 (XVIe siècle )publiée dans un ouvrage de Belleforest. » La Cosmographie Universelle de tout le monde » où la gravure située page 344 y a pour nom: « Le Vray Portrai de la ville d’Aix en Provence ».
– Sources:
Plan de Belleforest (Page 344) – La cosmographie universelle de tout le monde – Google Books
Roux Alphéran – Les Rues d’Aix Tome 1
Opération Collège Campra – Mission archéologique d’Aix
Plan de 1897 (Plan guide de la ville d’Aix – Makaire) sur Gallica
La place Bellegarde: Orientations d’aménagements – Mairie d’Aix (Doc PDF voir page 25)
Infos sur Jean Jérôme Baugean: data.bnf.fr
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bonjour
j ai lu votre article avec interet,je recherche des indication sur Palette en particulier
proprietaire de la bastide de ce lieu dit je n ai aucune archive d indication
je souhaiterais savoir ou m'en procurer...
merci d avance de vos indications
herve bouguera
mail; herve.bouguera@wanadoo.fr
Bonjour,
Je vous ai répondu directement par mail.
Cordialement.