Mise à jour au 11 mai 2019 :
Un nouvel autre article sur ce sujet a été publié, vous pouvez retrouver anciennes portes fortifiées replacées dans leur environnement pour mieux les situer, voyez cet article.
Aujourd’hui, le sujet traitera de portes.
Là en principe, vous pourriez me dire : « c’est un classique ton truc, des portes à Aix il y en a un paquet ça n’a rien de particulier ! »
Et je vous répondrai que « non ».
Car en réalité je ne vais pas évoquer de vulgaires portes d’immeubles ou de maisons, je vais plutôt vous parler des portes monumentales qui se dressaient à différentes extrémités du centre ancien.
– Note : La ville a beaucoup évolué au fil du temps, par conséquent il y eu beaucoup de portes en différents lieux en fonction des agrandissements et de l’emplacement des murailles. Du coup, je ne vais revenir que sur les portes qui ont perduré jusqu’au XIXe siècle. Ça en fait quand même 9 au total, c’est déjà pas mal…
– Pourquoi les « dernières » ?
En effet, on peut s’interroger sur le nom que j’ai donné à cet article.
Comme dit plus haut, des portes, il y en eu beaucoup à Aix au fil des siècles. Ceci en raison du fait qu’à chaque agrandissement on déplaçait les portes en même temps que les remparts étaient repoussés lors des différentes extensions (voir cet article).
Les dernières ont été ouvertes lors de ce que l’on pourrait considérer comme les deux derniers agrandissement de la ville lorsqu’elle était encore entourée de remparts : l’agrandissement de Villeverte à l’ouest au début du XVIIe siècle et celui du quartier Mazarin au sud vers le milieu de ce même siècle.
Bien que la ville se soit développée peu à peu hors des remparts, ces derniers sont tout de même restés en place mais les limites de la ville « intra-muros » n’ont plus bougé depuis la moitié du XVIIe siècle. Les remparts n’ont pas été étendus, de ce fait, aucune nouvelle porte n’a été ajoutée (la porte Notre-Dame de 1786 est une exception car c’est une reconstruction et non une « nouvelle » porte).
Je suis donc parti de cette époque où plus rien n’allait changer au niveau des fortifications et ce jusqu’à la disparition des portes. J’ai tenu compte de celles qui existaient déjà lors de l’apparition des plus récentes et n’en ai par conséquent retenu que neuf. Les neuf dernières qui ont existé jusqu’au XIXe siècle.
Le choix d’un titre n’est jamais simple mais je pense que celui-ci reflète assez bien le sujet qui sera évoqué ici.
– Des portes fortifiées à Aix ? Où ça ?
Là aussi, on peut s’interroger et on a du mal à l’imaginer mais Aix, tout comme bien d’autres villes comme Avignon (qui est un très bel exemple) pour ne citer qu’elle, possédait en plus de ses remparts, des portes fortifiées en divers points.
De nos jours, plus une seule d’Aix n’existe en raison de leur disparition à compter des environs du milieu du XIXe siècle, période où l’on prit la décision de les abattre. Le rôle défensif de ces dernières n’était plus une nécessité et il se dit aussi que leur présence commençait à gêner la circulation. Donc ne les cherchez pas, elles ont disparu depuis bien longtemps.
Leur destruction ne s’est pas faite en un jour, pour preuve, les dernières furent abattues plus de vingt ans après les premières.
Ces portes se trouvaient dans l’alignement des remparts, ces derniers suivaient approximativement l’emplacement des boulevard actuels.
– Les 9 portes :
On va commencer par les localiser sur un plan et en les nommant car elles en avaient chacune leur petit nom. Les remparts sont en rouge.
Les voici dans l’ordre dans lequel nous allons les découvrir dans l’article en allant dans le sens des aiguilles d’une montre en partant de la porte Notre-Dame qui se trouvait au débouché de l’actuelle rue Jacques de La Roque pour finir à la porte des Cordeliers qui se trouvait à l’extrémité de la rue du même nom. (Ce sens n’est en rien chronologique, il est juste plus simple à suivre).
5 – La porte d’Italie ou Saint-Jean
7 – La porte des Augustins ou Royale
8 – La porte Villeverte ou Valois
– A quoi ressemblaient les portes ?
C’est justement là tout l’intérêt de cet article, je souhaitais mettre en valeur ces portes en les mettant dans l’article mais un souci m’a poussé à m’adapter et à faire les choses autrement, je m’explique :
J’ai bien trouvé des représentations de ces portes sur le net (voir sources en 1 et 2) et je comptais m’en servir pour illustrer l’article, cependant, leur qualité n’était pas des meilleures et je souhaitais, tant qu’à faire, leur donner un petit coup de neuf.
Alors, comment procéder ? Comment montrer sans utiliser le document en question ?
J’ai finalement trouvé une solution. Certes ça n’était pas la plus simple ni la plus rapide à mettre en œuvre mais je me suis dit que ça pourrait être intéressant.
Je les ai donc modélisées en 3D.
Et croyez moi, ce fut loin d’être évident… Je ne suis pas un grand spécialiste de la chose, malgré tout, le résultat semble concluant. Le logiciel utilisé est Sketchup, ça n’est pas le plus pro mais on peut faire des trucs sympa sans trop de peine à condition d’avoir du temps. Ça tombe bien, j’en avais !
Je pensais faire tout ça rapidement mais recréer ces 9 portes m’a tout de même pris entre quarante et cinquante heures au total (ça a bien occupé mes vacances de Noël…).
Pour ces représentations, je me suis basé sur des gravures réalisées au XVIIIe siècle représentant les portes. Celles-ci proviendraient d‘un album de dessin gouachés réalisés vers 1790 et conservé à la bibliothèque Méjanes.
Il n’est jamais simple de partir d’un dessin pour en faire quelque chose en volume, il est donc probable que quelques approximations soient présentes aussi bien sur l’échelle des éléments mais aussi dans les coloris ou certains détails, mais dans l’ensemble ces modélisations représentent aussi fidèlement que possible les gravures de 1790.
En espérant que les gravures du XVIIIe soit elles aussi fidèles étant donné que c’est à partir de celles-ci que j’ai réalisé les vues que je vous présente aujourd’hui.
– Les portes en détail :
Pour les découvrir une à une, nous allons garder le même ordre que plus haut, autrement dit, nous allons partir de l’ancienne porte Notre-Dame qui se trouvait au débouché de la rue Jacques de la Roque et continuer dans le sens des aiguilles d’une montre.
Pour chacune des portes reconstituées, j’ai mis leur modélisation en 3D ainsi que deux autres vues. Nous les voyons ici telles qu’elle était vues de l’extérieur de la ville.
– Pour visualiser les portes recrées en 3 dimensions, c’est tout simple, lancez les l’animations en cliquant au centre de celles-ci et utilisez votre souris et ses boutons. (Un ordinateur est conseillé, sur smartphone ou tablette ça pourrait ramer. Certains bugs d’affichage sont possibles au niveau de certaines textures ou couleurs (la magie de l’informatique…).
– A savoir : Si des filigranes avec mon nom et celui du site sont présent sur certaines des images, c’est normal. Je les ai ajoutés afin d’éviter des réutilisations sans mention de la source comme ce fut plusieurs fois le cas. Je veux bien être sympa mais il ne faut pas pousser le bouchon trop loin non plus. Ce boulot m’a pris du temps, ça n’est pas pour le retrouver je ne sais où du jour au lendemain sans que mon nom et celui de mon site ne soient mentionnés. Au moins, là, on sait qui est l’auteur et d’où ça vient.
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1 – La porte Notre-Dame :
Cette porte, située à l’extrémité nord de l’actuelle rue Jacques de la Roque, fut en quelque sorte la descendante d’une des plus anciennes portes de la ville qui fermait le bourg Saint-Sauveur au Nord.
La « version » que nous voyons ici, est celle qui fut reconstruite en 1786 grâce au fonds d’un donateur qui ne fut autre que Joseph Sec (1), qui possédait plusieurs demeures dans le quartier (c’est aussi à lui que nous devons le monument qui porte son nom sur l’avenue Pasteur). En regardant bien cette porte, on peut lui trouver un petit air de ressemblance avec la porte Saint-Denis à Paris. Par ailleurs, c’est probablement la seule ancienne porte d’Aix dont il existe une photographie prise par Claude Gondran (cliquez ici pour la voir en photo sur le site de la Méjanes). Elle fut une des dernières à être abattue, c’était en 1874.
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2 – La porte Bellegarde :
Cette porte se trouvait à l’extrémité nord de l’actuelle rue Mignet (ancienne rue Bellegarde).
Une première « version » de cette porte fut ouverte au tout début du XVe siècle mais elle fut déplacée de quelques mètres vers le nord au XVIIe siècle, c’est cette nouvelle « version » que nous voyons ici. Elle fut abattue en1849. [Gravure visible ici]
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3 – La porte Saint-Louis :
Ouverte au XVIIe siècle, cette porte se trouvait à l’extrémité nord de l’actuelle rue Portalis.
(M.a.j. au 20/06/18) : – Anecdote : pendant très peu d’années, entre la toute fin du XVIIIe et le tout début du XIXe siècle, la porte Saint-Louis fut renommée « porte de la République », tout comme la rue Portalis (ancienne rue de la porte Saint-Louis), qui pendant ce cours laps de temps fut, elle aussi, renommée rue de la République (voir ici pour plus d’infos) Elle fut abattue en 1842 .
Comme ses semblables elle fut détruite au XIXe siècle (j’ai pas l’année précise). [Gravure visible ici p. 167]
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4 – La porte de la Plateforme :
Située à l’extrémité est de l’actuelle place Miollis, elle fut ouverte au XVIIe siècle.
Tout comme la porte Notre-Dame, elle aurait été l’une des dernières à être abattue vers 1874 (1) . [Gravure visible ici p. 163]
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5 – La porte d’Italie ou Saint-Jean :
Elle se trouvait à l’extrémité sud de l’actuelle rue d’Italie (ancienne rue Saint-Jean, d’où l’autre nom de la porte) et fut ouverte au XVIIe siècle.
Cette porte, partageant certains traits avec celle d’Orbitelle fut détruite en 1849. [Gravure visible ici]
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6 – La porte d’Orbitelle (bugs de textures sur le rendu 3D):
Elle fut ouverte au XVIIe siècle et se trouvait à l’extrémité sud de l’actuelle rue du 4 septembre.
Cette porte que ressemble légèrement à sa voisine la porte Saint-Jean fut détruite en 1850 (1). [Gravures visibles ici et ici]
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7 – La porte des Augustins ou porte Royale :
Cette porte qui a beaucoup voyagé (voir cet article) fut ouverte à l’extrémité sud de l’actuelle rue Espariat au XVIIe siècle.
Enserrée entre les remparts sud-ouest et nord-ouest, elle perdura jusque 1842, année de sa démolition. [Gravure visible ici]
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8 – La porte Valois ou Villeverte :
Située à l’extrémité ouest de l’actuelle rue Leydet (ancienne rue Villeverte), elle fut ouverte au XVIIe siècle.
D’une allure rappelant quelque peu la porte de la Plateforme en un peu plus travaillée, elle resta en place jusqu’en 1849. [Gravure visible ici] On dit que le nom du quartier Villeverte portait ce nom en raison du fait qu’il aurait été crée sur des terrains occupés autrefois par des prés.
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9 – La porte des Cordeliers :
Comme son nom l’indique, cette porte se trouvait à l’extrémité ouest de l’actuelle rue des Cordeliers.
Elle semble être la seule a avoir été dotée d’une ouverture en arc brisé contrairement à ses cousines. Elle fut détruite en 1850. [Gravure visible ici]
– A propos d’un cliché et d’une porte :
Je souhaite revenir un instant sur un détail présent sur le cliché de Claude Gondran représentant la porte Notre-Dame.
On m’a souvent dit que le portail de la cour de l’hôtel Bonnet de la Baume situé au 2 rue Goyrand était une des anciennes portes de la ville. Mon envie d’y croire était grande mais je n’avais jamais eu de réelle confirmation de la chose dans des écrits ou quelque chose de plus précis que des « on dit ».
Seulement, en regardant le cliché de Gondran, on distingue dans la perspective la porte en bois rabattue vers l’intérieur de la rue. En l’observant d’encore plus près, on lui trouve beaucoup de points communs avec celle de l’hôtel Bonnet de la Baume.
Déjà, sa taille, ensuite son style et surtout, le nombre de clous qui l’ornent. Dans les deux cas, on retrouve 41 rangées de clous de hauteur pour 7 clous de largeur et dans les deux cas encore une fois ces derniers sont décalés une rangée sur deux.
– Jugez par vous même avec la comparaison ci-dessous, la photo de gauche est celle de l’hôtel, celle de droite est celle de Gondran :
Simple hasard ? Peut-être est-ce le même artisan qui a réalisé ces deux portes ?
Ou alors, la porte de la cour de cet hôtel serait bel et bien l’une des anciennes portes de la ville, et peut-être l’ancienne porte Notre-Dame ? Je ne peux pas vous l’affirmer mais les deux clichés semblent montrer quelque chose de plutôt similaire.
– Que reste t-il des portes aujourd’hui ?
La réponse est simple… pas grand chose, voir même rien de bien observable.
On peut tout de même mentionner quelques fragments incrustés dans des murs et qui auraient appartenu à la porte Bellegarde à l’extrémité nord de la rue Mignet. C’est en tout cas ce qu’indique un panneau (je les ai encadré en rouge) :
Hormis ces derniers (et éventuellement la porte de l’hôtel Bonnet de la Baume si ma supposition est juste) il n’en reste pas d’autre à ma connaissance.
Après, je en suis pas là pour me poser la question du pourquoi et du comment. Les choses sont ainsi, les portes ne sont plus là, point. On peut juste les regretter on imaginant l’impression que le visiteur devait avoir en franchissant l’une d’elles en découvrant Aix pour la première fois.
Ça devait être vraiment classe à voir.
Si vous voulez vous documenter d’avantage sur le sujet (je l’ai survolé) n’hésitez pas à consulter le document de Jean Boyer dans les sources.
Article en lien :
Pour retrouver ces anciennes portes replacées dans le décor actuel, consultez l’article ci-dessous :
– Sources :
Les gravures sont réparties dans les sources ci-dessous :
(1) Jean Boyer – Les portes des enceintes fortifiées d’Aix et d’Arles , Revue Provence historique , 176 , 1994
(2) culture.gouv.fr (vers le bas de la page – voyez aussi les liens directs des gravures sous certaines de mes illustrations)
(3) Bibliothèque Méjanes – Album Fauris de Saint Vincens. Estampes A 55, B 13, 14, 15, C1, C2, D5, 6, 7.
Photo d’entête de l’article : Claude Gondran (détail) – Bibliothèque Méjanes, Aix-en-Provence Cote : PHO. GON. (1), 1
Voir les commentaires (8)
Très beau travail monsieur. Merci.
Merci !
Magnifique, merci beaucoup.
Il est possible avec Sketchup de les visualiser sur Google Earth. Pourquoi ne pas utiliser cette fonction?
En effet, j'y ai aussi pensé mais j'ai réalisé les portes uniquement à partir de visuels et non de plans. Par conséquent les mesures n'étant pas exactes (je suppose), l'intégration sur Google Earth risquerait de ne pas être précise.
Je vais quand même étudier un peu plus la chose, merci.
Après vérifications, la modélisation 3D actuelle de Google Earth a changé. Désormais, beaucoup de villes sont modélisées automatiquement (comme Aix par exemple). On peut donc difficilement ajouter de nouveaux modèles.
J'ai cependant pu intégrer les portes dans la ville mais pas en mode "public".
Pour les voir il faut passer par un ficher KML à télécharger et à lancer. Il s'ouvre ensuite dans Google Earth et affiche les portes.
Le lien du fichier : https://drive.google.com/open?id=0ByexmAOL1SriQVZmMlNWaWtwcnc
Ça rend pas trop mal. Seul hic, parfois, les portes sont noyées dans la modélisation 3D préexistante.
Super ! ça marche parfaitement. Et pour éviter que les portes ne soient pas noyées, il suffit de décocher la fonction bâtiment 3D.
Bon, pour Noël prochain, vous nous faites les remparts ?
Magnifique travail vraiment, qui vient compléter de façon moderne celui de Jean Boyer.
Je vous recommande la note de M Roux-Alphéran dans les rues d'Aix page 544 tome 2. Il exprime aussi mon opinion.
Cordialement
Merci beaucoup !
Et au passage, merci de m'avoir indiqué cette note dans "Les rues d'Aix" que je n'avais jamais lue (je la découvre à l'instant). Je suis aussi de son avis, et encore, il parlait de "l'esprit déplorable de ce siècle" en parlant du sien, le XIXe siècle ; heureusement pour lui qu'il n'a pas vu les changements du XXe et du XXIe...