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Le pont de l’avenue des Belges

Information : Ce contenu a été publié il y a un certain temps. Il est possible que des éléments présentés ici aient changé depuis.

L’avenue des belges est traversée par un pont, permettant le passage de la voie ferrée sous elle :

Le pont traversant l’avenue des Belges vue depuis l’esplanade de l’Arche

Évoquer l’apparition de ce pont, c’est surtout évoquer l’histoire de la voie qu’il traverse. Chose qui va être faite ci-dessous.


Avant l’avenue des Belges – La nouvelle route de Marseille :

L’apparition de l’actuelle avenue des Belges résulte de la création de la place de la Rotonde à la fin du XVIIIe siècle.

Cette nouvelle voie devait alors devenir la nouvelle « route de Marseille », et remplacer l’ancienne qui passait plus à l’est, par le quartier des Fenouillères.

Cette route ne fut pas vraiment tracée, mais plutôt construite. En effet, à l’origine, le secteur qu’elle devait emprunter n’était pas aussi élevé que de nos jours. Une sorte de vaste plaine formait alors le secteur en contrebas de la ville jusqu’au Mont-Perrin.

Pour mettre la route à niveau, on a utilisé les remblais excavés du Mont-Perrin lors du percement de la partie de la voie formant l’actuelle avenue Pierre Brossolette (1).

Une fois achevée, la route traversait la plaine sur un talus d’environ 300m de long pour plus d’une trentaine de mètres de large, et située 6 à 7 mètres plus haut que le décor environnant.

La vue ci-dessous parle d’elle-même, on y voit clairement l’avenue perchée sur un talus traversant un décor situé plusieurs mètres en contrebas :

L’actuelle avenue des Belges depuis le Mont-Perrin avant 1875
Photo : Claude Gondran, Bibliothèque Méjanes, Aix-en-Provence – Cote : PHO. GON. (1), 4
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Relier Aix à Marseille avec une nouvelle voie ferrée :

Depuis 1856, la ville d’Aix était reliée au réseau ferré et possédait sa gare en contrebas ouest de la Rotonde. Elle accueillait les voyageurs dans un bâtiment dédié au nord, la partie sud quant à elle étant destinée à l’expédition et à la réception de marchandises.

Pour en savoir plus sur cette première gare, cliquez ici pour lire l’article qui lui est consacré.

Seulement voila, bien qu’Aix ait des trains, ces derniers ne menaient pas directement à Marseille. Pour rejoindre cette ville, il fallait partir d’Aix, aller jusqu’à Rognac, puis prendre une correspondance pour enfin arriver à Marseille. Aucune liaison directe donc. Du moins durant un temps.

Après une foule de réflexions, de souhaits répétés et de débats dont je vous épargnerai les détails, arriva 1870, l’année où fut approuvé le prolongement d’une ligne de chemin de fer entre Aix et Marseille (2).

Le plan ci-dessous, daté de 1869 indique les tracés présents, étudiés et finalement réalisés à posteriori.

– En rose : la voie présente depuis 1856 ;
– En bleu : le tracé étudié pour la ligne vers Marseille ;
– En rouge : le tracé finalement réalisé et ouvert en 1877.

Plan d’Aix en 1969 (détail)
Archives départementales des Bouches-du-Rhône – Cote : 1 Fi 2940
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– La vue ci-dessous reprend le même code couleur que ci-dessus, mais sur une vue actuelle :

Même schéma que ci-dessus sur une vue actuelle (voir légende plus haut)
Image : Google Earth

En réalité, l’idée d’une liaison ferrée vers Marseille est bien plus ancienne, car on peut retrouver la trace de l’étude d’un tracé sur un plan de 1848, soit 8 ans avant la création de la première ligne partant d’Aix :

Mise en évidence de l’étude d’un tracé entre Aix et Marseille sur un plan de 1848
– Plan : Marius Gasquy (1848) / B.N.F. – Gallica
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– – –

Un obstacle à franchir :

Malgré tous les tracés étudié, une évidence refaisait toujours surface : le chemin imposait inévitablement une déviation vers le sud, et donc un déplacement de la gare des voyageurs.

Mais le déplacement de la gare n’était pas le seul problème : cela imposait aussi et surtout que le tracé allait devoir passer sur celui de la route de Marseille créée un siècle plus tôt.

Il allait falloir percer, ou plutôt creuser.

Car contrairement à ce que l’on pourrait penser, le passage de la voie ferrée sous l’avenue des Belges n’a pas été percé comme un tunnel, mais littéralement ouvert puis rebouché.

Il est temps de débuter ici un suivi des travaux au fil des mois :

– – –

1874 : Les débuts du chantier :

Les travaux du prolongement vers Marseille furent lancés en 1874.

Pendant que l’on commençait à faire place nette à l’emplacement de la future gare, où il a fallu démolir l’atelier Rambert, on s’attelait aussi du côté de l’actuelle avenue des Belges en prévision, à la fois de l’installation des voies, mais aussi du creusement du talus qui supportait la route.

– L’illustration montre le secteur de l’actuelle avenue des Belges avant le début des travaux. J’utiliserai la même pour la suite de l’article illustrant les changements :

Le secteur avant que les travaux n’y débutent.

– Ci-dessous : la disposition de l’avenue et ses dimensions en largeur à l’époque :

Dimensions et disposition de l’actuelle avenue des Belges à la fin du XIXe siècle

Juillet 1874 :

A quelques mètres au nord du futur pont il fut nécessaire de rogner une partie ouest de l’ancien cimetière juif et de déplacer plus à l’est les sépultures qui s’y trouvaient. Le tracé de la voie devait en effet passer sur une partie de la parcelle.

Du côté de la future gare, le remblai destiné à la future avenue y menant était en train d’être posé (l’actuelle avenue Victor Hugo). (3)

– Ci-dessous, l’état des lieux à l’été 1874. En rouge, le secteur en travaux. En bleu le cimetière dont une partie fut rognée.

État du secteur en juillet 1874
Les zones à modifier pour permettre le tracé des voies ferrées. Le cimetière juif est en bleu

En janvier 1875, plus au sud, vers le quartier des Fenouillères, le pont-rail de l’actuelle avenue Schuman était indiqué comme presque achevé (le pont d’Anthoine, à l’ouest datait quant à lui de 1855).

Mars 1875

– Au 7 mars :

Le gros des travaux du percement de l’actuelle avenue des Belges débuta à cette période.

On commença par enlever quatre platanes de l’allée Est, ces derniers furent replantés près de la place de la Rotonde près du débouché sud de l’actuelle rue Espariat. Quatre autres de l’allée ouest allaient connaître le même déménagement.

L’opération de percement du talus en vue d’y faire passer la voie consista, dans un premier temps, à la création d’un premier petit tunnel de service sous la route. Celui-ci devait permettre à la fois de relier l’ancienne et la future gare, mais aussi d’enlever les déblais au fur et à mesure, tout en acheminant d’autres en guise de remblai.

Cet ensemble formé de petites locomotives tractant de petits wagonnets attirait la foule et les curieux qui venaient observer leurs aller et retours.

De tels travaux ont nécessité la fermeture de la route aux usagers. Pour ne pas bloquer le trafic, celui-ci fut dévié sur une passerelle provisoire construite à quelques mètres plus au sud de la route (4).


– Au 14 mars :

Au 14 mars 1875, la déviation de la route était achevée. L’actuelle avenue des Belges quant à elle était indiquée comme éventrée sur la moitié de sa largeur, laissant apparaître une tranchée de plusieurs mètres de profondeur.

Sur les bords des allées, on installait des candélabres en vue de la futur mise en place de l’éclairage pour la voie lorsqu’elle aura été achevée (5).

Reste une interrogation à laquelle je n’ai pas trouvé la réponse : le percement été t-il été commencé par l’est ou l’ouest ?

Dans la mesure où il est clairement évoqué dans la presse ancienne que la voie était à ce moment coupée à sa moitié, cela signifie qu’elle n’a pas pu être creusée des deux côtés en même temps, mais par un seul bord en premier. Dans le doute, j’ai fait deux illustrations montrant les deux choix possibles.

– Ci-dessous, l’état des lieux au 14 mars 1875 (version avec le début du percement par l’Est :

État des travaux au 14 mars 1875 (version avec le percement du passage par l’Est)

– Version au 14 mars 1875 dans le cas où le percement aurait débuté par l’ouest :

État des travaux au 14 mars 1875 (version avec le percement du passage par l’ouest)

– Au 21 mars :

Au 21 mars 1875, la route de Marseille, actuelle avenue des Belges, était désormais indiquée comme complètement coupée en deux. La tranchée qui la traversait de part en part n’avait pas encore sa largeur définitive, qui devait lui être donnée les jours suivants (6).

– Ci-dessous : l’état des lieux au 21 mars 1875 avec l’avenue coupée en deux par la tranchée :

État des travaux au 4 avril 1875, l’avenue est coupée en deux par la tranchée

Avril 1875 :

Au 4 avril 1875, la tranchée était indiquée comme achevée, avec une profondeur de 8 à 9 mètres par rapport au niveau de la route.

Le passage étant libre, la pose de la structure du pont allait pouvoir être réalisée (7).


Août 1875 :

Au 22 août 1875, le pont était en phase d’être achevé. Composé de nombreuses poutres métalliques, il était souhaité que ces dernières soient posées le plus rapidement afin de rétablir la circulation sur la route au plus vite (8).


Septembre 1875 – Le bout du tunnel :

Les travaux du passage des voies ferrées sous l’actuelle avenue des Belges furent achevés en septembre.

La structure du nouveau pont était composée de 80 tonnes de fonte (tablier et charpentes).

La route fut rouverte en date du dimanche 5 septembre 1875. La toute première personne à la réemprunter fut l’un des entrepreneurs des travaux qui traversa le pont avec sa voiture chargée et tirée à la vitesse de son cheval au galop.

Dès la réouverture de la route et de ces allées, les aixois reprirent leurs habitude et l’empruntèrent de nouveau (9).

Le secteur une fois le pont achevé, la voie rouverte le 5 septembre 1875.

Au total, la réalisation du passage de la voie ferrée de la ligne Aix – Marseille s’étala de février à fin août / début septembre 1875, soit un total de 7 mois de travaux.

– Le pont de l’avenue des Belges de nos jours :

Le pont traversant l’avenue des Belges vue depuis l’esplanade de l’Arche

A note époque, malgré les multiples constructions qui se sont ajoutées aux abords de l’avenue des Belges, on peut toujours distinguer que son niveau est plus élevé qu’aux alentours, notamment sur le relevé LiDAR ci-dessous par l’I.G.N. où l’avenue verte traverse une zone bleue.
– L’avenue (en vert) est en moyenne à 182 mètres d’altitude,
– Ce qui se trouve en contrebas (en bleu) est en moyenne à 177 mètres.

Soit une différence de hauteur d’environ 6 à 7 mètres.

Modélisation du relevé LiDAR du secteur Rotonde / Belges par l’I.G.N.

– Ci-dessous l’avenue des Belges en 1930. On distingue bien le talus qui la supporte et le pont :

L’avenue des Belges en 1930
– Photo : I.G.N. / Géoportail

– Ci-dessous, une portion de l’avenue des Belges en 1950 avec le pont et la gare ouverte en 1877 :

Une portion de l’avenue des Belges en 1950
– Photo : I.G.N. / Géoportail

– Sources :
(1) Ambroise Roux-Alpheran : Les Rues d’Aix (tome 2) chap. Faubourgs – La Rotonde
(2) Séances du Conseil Général – 1871
(3) Le Mémorial d’Aix du 19 juillet 1874 (page 2, colonne 2)
(4) Le Mémorial d’Aix du 7 mars 1875 (page 2, colonne 4)
(5) Le Mémorial d’Aix du 14 mars 1875 (page 2, colonne 3)
(6) Le Mémorial d’Aix du 21 mars 1875 (page 2, colonne 1)
(7) La Provence du 4 avril 1875 (page 2, colonne 3)
(8) Le Mémorial d’Aix du 22 août 1875 (page 3, colonne 1)
(9) Le Mémorial d’Aix du 12 septembre 1875 (page 2, colonne 2)


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