– Note : Cet article initialement publié le 24 juillet 2016 a été complètement réécrit le 13 décembre 2018 en raison de l’évolution des lieux et d’ajout d’informations complémentaires. Ça n’est pas du réchauffé, il y a beaucoup d’informations ajoutées.
Aujourd’hui, je vais vous parler d’une petite maison, bien plus petite que les constructions qui l’entouraient.
Curieusement, cet article sera aussi l’occasion de parler d’un dessin animé de l’univers Disney. Vous allez sûrement vous demander ce que vient faire l’univers de Walt Disney ici et c’est normal ! Sachez simplement qu’à chaque fois que je passais devant la maison évoquée dans cet article, je pensais toujours à ce dessin animé :
Il a pour nom « The Little House », « La petite maison » en V.F. (d’où le titre de mon article !), il est très court (7-8 min.) et date de 1952.
– Vous pouvez le visionner ci-dessous (sous-titré en français), cela nous permettra d’aborder tranquillement le lieu dont il est question aujourd’hui :
Une petite maison :
Jusqu’à l’automne 2017 et depuis plusieurs décennies, une petite maison était visible sur l’avenue des Belges au n°11.
En voyant la photographie ci-dessus, vous avez sûrement compris pourquoi j’ai fait un parallèle entre celle-ci et celle du dessin animé !
Comment ça, vous ne la voyez pas ? Mais si, regardez bien entre les immeubles et cachée derrière l’arbre, celle-ci :
Elle n’était pas toute jeune et est longtemps restée entre des immeubles plus récents et surtout bien plus hauts qu’elle.
En 2016, c’est un permis de construire qui y a fait son apparition, indiquant alors qu’il ne lui restait que peu de temps à demeurer encore en place. Le 16 novembre 2017, le coup de grâce était donné : la belle s’en était allé sous les coups des pelles mécaniques.
Cette dernière ne fait donc plus partie du décor depuis un an maintenant, ne l’oublions pas pour autant, au contraire, profitons-en pour mieux la connaitre…
L’évolution des lieux au fil du temps :
Voici des photos aériennes anciennes que j’ai cadrées de la même manière pour que l’on repère plus aisément son emplacement :
1930 – Pas encore de maison :
Si vous avez un peu de mal à vous repérer, sur la vue ci-dessus, pas de panique. Pour vous aider, sachez que le pont de l’avenue des Belges surplombant la voie ferrée est en bas au centre de la photo, la voie ferrée est par ailleurs visible sur la gauche.
Sur ce cliché daté de 1930 (l’une des plus vieilles vues aériennes d’Aix disponibles), la maison n‘existe pas encore, à sa place on y voit ce qui semble être un petit terrain, le cercle rouge marque son futur emplacement, des champs sont visibles et le décor ne semble occupé que par quelques maisons et autres constructions.
La campagne côtoyait alors encore la ville à l’époque.
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1934 – Une petite maison apparaît :
1934… l’année de sa construction. A l’époque, elle était la maison d’habitation d’un certain Théodore Saunnier (1889-1966) (1) et liée à un ancien garage : l’ancien Garage de Provence (2) qui se trouvait à ses cotés sur la rive ouest de l’avenue des Belges. Toujours sur le cliché ci-dessus, en comparant avec la photo de 1930, on constate que le terrain à droite de la photo n’est plus occupé par des champs.
Le décor commençait peu à peu à changer. Mais le plus gros des travaux allait arriver une trentaine d’années plus tard…
Années 60 – Une petite rescapée au milieu des géants :
Le croisement entre la fin des années 50 et le début des années 60 marqua l’apparition d’un chantier de grande ampleur sur cette partie de la ville. Adieu vieilles bâtisses et autres vieux murs occupés par quelques artisans, place désormais aux immeubles tout en hauteur !
C’est à cette période (courant des années 60) que le garage a disparu, remplacé par les immeubles actuels. La maison quant à elle resta en place, dernier vestige d’une époque qui commençait à se faire lointaine.
Et si cette dernière demeura toujours là après ces gros travaux, ça n’est pas par hasard, non. Car son emplacement, au même titre que ceux l’entourant était lui aussi convoité par les promoteurs de l’époque.
Seulement voila, T. Saunnier, qui possédait cette maison, a fait tout ce qu’il a pu, à partir de 1958, pour que celle-ci ne soit pas détruite lors de ce chantier… et a réussi. Un combat qui offrit quelques décennies de répit à la petite maison (pour cette partie, se reporter aux numéros 1 et 3 dans les sources).
Peu avant la disparition :
Depuis la photo précédente et les années 60, d’autres immeubles sont venus s’ajouter au décor mais la maison etait toujours en place.
Elle a traversé les époques, se retrouvant purement et simplement encerclée et au même titre que celle présente dans le dessin animé, a sûrement dû se demander ce qui se passait autour d’elle. Malgré tout, elle n’est pas restée inoccupée depuis tout ce temps.
En effet, jusqu’à il y a encore quelques années, un cabinet de vétérinaire y était installé : la clinique vétérinaire de la Rotonde, dont on retrouve encore quelques traces sur certains annuaires en ligne. Preuve de cette activité : l’enseigne n’a d’ailleurs jamais été enlevée du mur jusqu’à sa destruction.
Puis, lorsqu’elle ne fut plus occupée, ses ouvertures finirent par être murées et ce, définitivement :
Elle ne se présentait pas sur toute sa hauteur lorsqu’on la regardait de l’avenue des Belges, il suffisait en effet de se rendre à l’arrière, dans la rue de Jérusalem, pour voir qu’elle etait en réalité plus haute en raison du fait que l’avenue des Belges est plus haute que la rue de Jérusalem :
16 novembre 2017 : Un trou :
Car oui et contrairement au dessin animé, l’histoire n’a pas eu la même fin. Car un trou, c’est tout ce qu’il resta entre les deux immeubles suite à la destruction de cette maison le 16 novembre 2017 :
Ci-dessous, petite comparaison du décor en photo (photos de droite prises le 24 juillet 2016 / photos de gauche prises le 25 novembre 2017 ) :
Vu du ciel l’espace libre et le chantier se voient aussi :
Voici l’état d’avancement du chantier vu depuis la rue de Jérusalem le 6 décembre dernier :
Une cave et une glacière sous la maison… :
…mais qui n’ont pas été construites pour cette maison ! Curieux n’est-ce pas ?
Et pourtant, lors du chantier débuté fin 2017, c’est bien une cave et une glacière qui ont été mises au jour sous la maison. Alors d’où viennent ces structures ?
En réalité, la cave et la glacière remontent à une époque antérieure à la maison. Plus précisément, à la seconde moité du XIXe siècle, à une époque où l’espace n’était encore qu’une zone bordant la voie qui ne portait pas encore le nom d’avenue des Belges .
Le propriétaire d’une ancienne brasserie toute proche l’avait aménagée. Un échange entre la ville et lui par un acte de 1879 où les deux étaient gagnant : d’un côté le propriétaire de la brasserie obtenait le terrain pour y créer sa cave, et de l’autre côté la ville (grâce à la couverture de la cave) obtenait ainsi une zone remblayée sur plusieurs mètres permettant ainsi d’élargir l’avenue des Belges. Une forme de donnant-donnant.
Le temps passant et malgré la disparition de la brasserie ces structures n’ont pas été oubliées pour autant car une partie de celles-ci fut utilisée au XXe siècle par l’ancien Garage de Provence qui se trouvait là, tandis qu’une autre partie de ces constructions est toujours utilisée de nos jours par un particulier.
Pour l’anecdote, on voit sur l’acte de 1879, que la petite allée qui longeait la gauche de cette maison était nommée « avenue de la Brasserie » (pour cette partie, se reporter aux numéros 1 et 3 dans les sources).
Quoi de neuf à la place ?
Cet espace qui n’avait jamais pu être comblé depuis les gros travaux des années 60 le sera désormais par une résidence bâtie dans le cadre du programme immobilier « Carré Rotonde » (4). Un immeuble qui est toujours en cours de construction lors de la rédaction de cet article.
D’une hauteur d’environ 20 mètres de haut, cette nouvelle construction remplacera la maison et comblera l’espace jusqu’ici resté libre entre les deux autres immeubles situés de chaque côtés.
Autre point : le petit chemin qui se trouvait à gauche le long de la maison et qui menait à la rue de Jérusalem ne sera pas conservé et a disparu lui aussi au cours du chantier.
Le dessin animé :
Pour en revenir au petit dessin animé évoqué en début d’article, il pourrait correspondre à bien des lieux, j’ai mis celui-ci en valeur comme j’aurais pu en mettre d’autres. C’est surtout le côté « petite maison qui traverse le temps » qui m’a souvent mené à cette comparaison.
Le temps passe, la vie change et les lieux aussi. La ville s’étend, il faut faire avec et suivre le mouvement.
– A savoir à propos du dessin animé « The Little House » :
Ce film d’animation, adaptation d’un livre de Virginia Lee Burton paru en 1942 n’est pas une critique de l’urbanisme de masse. Cette histoire était surtout là pour montrer aux plus jeunes le passage du temps et les changement qui s’en suivent. Disney, en rachetant les droits de l’histoire originale en 1952 a quelque peu modifié le scénario et donc son sens, ce qui aurait par ailleurs déplu à l’auteure originale (5). Malgré tout, cela n’enlève absolument rien au charme de cette œuvre .
Cependant, à la différence de ce que l’on peut voir dans le petit film, l’histoire ne se terminera pas de la même façon : ici, point de verte colline pour accueillir cette petite maison qui, après plus de 80 ans de présence, fut définitivement reléguée au rang de souvenir un jour d’automne 2017.
Sources :
(1) – Lettre des Amis de la Méjanes mai 2018 – Par Philippe Ferrand
(2) A propos du garage : Sextius Mirabeau à Aix-en-Provence – Les Amis de la Méjanes – pages 64 et 70
(3) Lettre des Amis de la Méjanes de septembre 2018 –
Par Philippe Ferrand
(4) Voir le site d’ArtPromotion
(5) – A propos du dessin animé : chroniquedisney.fr
Les vues aériennes anciennes : Remonter le temps (service de Géoportail)