Le 10 novembre 1895 eu lieu l’inauguration du monument dédié à Nicolas-Claude Fabri de Peiresc (ou Peyresc selon les auteurs) sur la place de l’Université à Aix-en-Provence, face à la cathédrale Saint-Sauveur.
Décrire rapidement qui était Nicolas-Claude Fabri de Peiresc n’est pas chose aisée, tant l’homme fut un véritable touche-à-tout, savant, bibliophile, érudit en matière de botanique, d’arts, de sciences ou encore d’astronomie (le genre de personne avec lequel une discussion serait passionnante).
Peiresc – un varois à Aix :
Intéressons nous à l’homme :
Nicolas-Claude Fabri de Peiresc n’est pas né à Aix. Il a vu le jour le 1er décembre 1580 à Belgentier dans le département du Var, où ses parents, aixois, s’y étaient alors réfugiés en raison de la peste.
Le temps passant, il revint vivre à Aix où il y vécu dans sa demeure, « l’hôtel de Calas » qui, comme son nom ne l’indique pas, se trouvait à Aix. Cette maison, autrefois située à deux pas de l’ancien palais comtal, dans l’ancienne rue de la Trésorerie, a disparu, tout comme la rue, en même temps qu’une partie du quartier à la fin du XVIIIe siècle, lors des grand travaux de remodelage du quartier.
Le nom de Peiresc dans Aix-en-Provence :
Déjà, penchons nous sur la présence du nom de Peiresc dans la ville d’Aix au fil du temps :
1811 – Une rue :
La ville d’Aix, n’a pas attendu 1895 pour rendre hommage au savant car déjà, en 1811 (1), on donna son nom à une rue longeant le palais de justice :
–
1895 – Le monument :
Puis, vint le dimanche 10 novembre 1895 à 13h30 :
Ce jour là (2), on inaugura un monument à son effigie sur la place de l’Université. A l’origine, il fut installé face à la cathédrale, au centre de la place, comme le montre la vue ci-dessous datée du début du XXe siècle :
L’ensemble était composé d’une stèle en pierre surmontée d’un buste en bronze réalisé par le sculpteur Philippe Solari (3).
– – –
La disparition du buste original en 1942 :
Malheureusement, la seconde guerre mondiale arriva et de nombreux éléments en bronze furent récupérés en ville pour être fondus (tout comme le buste du monument Leydet). Ce buste ne fut pas épargné et fut enlevé à l’été 1942, direction la fonderie (4) :
Désormais, la stèle était nue, sans rien pour la surmonter. Le buste allait il disparaître à tout jamais ? Par chance, non et un peu grâce au hasard.
C’est en effet, visiblement un peu par hasard, un jour d’été 1945, que Louis Malbos qui était conservateur du Musée Granet, fouillait au fond d’un local de la bibliothèque Méjanes (alors située dans l’hôtel de ville). Il trouva soudain une chose à laquelle il ne s’attendait pas…
Car, entreposée entre le sommet d’un rayon et le plafond, il retrouva une réplique en terre cuite du buste de Peiresc (5). C’est probablement grâce à cette réplique que l’on a pu mouler un nouveau buste, celui actuellement replacé et visible de nos jours.
Dans le seconde moitié du XXe siècle, le monument complet a été déplacé sur le côté de la place, près du bord longeant la rue du Bon Pasteur.
– – –
Description du monument :
– Le monument dans son ensemble :
– A sa base, le socle en pierre, coté place :
On y trouve, de haut en bas son nom, ses dates de naissance et de mort (très effacées) ainsi qu’un symbole dont l’explication sera donnée juste après.
–
– Le symbole :
Ce monogramme, visible sur le monument peut intriguer. Pour résumer brièvement ce qu’il représente, on peut indiquer qu’il était celui que Peiresc faisait apposer sur les livres de sa bibliothèque avec un fer de reliure. Ce symbole est formé de trois lettres majuscules grecques Ν – Κ – Φ et peut-être aussi la lettre Π. Le tout était agencé de manière harmonieuse (pour d’avantage d’explications approfondies concernant cette symbolique, rendez-vous en (6) dans les sources).
– Ci-dessous, on peut retrouver ce monogramme sur l’un des ouvrages qui lui a appartenu :
– A sa base, le socle en pierre, côté rue du Bon Pasteur :
Sur cette face opposée à la place, on trouve une inscription indiquant sa date d’inauguration, soit le 10 novembre 1895.
– Au sommet du socle en pierre :
Le sommet se trouve couronné par le buste de Nicolas-Claude Fabri de Peiresc. Pas l’original, fondu en 1942, mais une reproduction, peut-être réalisée à partir de la copie en terre cuite retrouvée par L. Malbos en 1945.
–
1981 – Une plaque :
Le samedi 16 mai 1981, une plaque fut apposée dans la rue Peiresc « à peu près » à l’emplacement où se dressait son ancienne demeure – j’insiste sur l’« à peu près », car cette maison et la rue où elle se trouvaient n’existent plus depuis le remodelage du quartier entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle :
–
– Plus proche de nous dans le temps, on peut aussi citer le planétarium d’Aix qui porte aussi son nom (7)
– – –
Comme nous venons de le voir, rien que dans la ville d’Aix, on retrouve donc pas moins de quatre références à Nicolas-Claude Fabri de Peiresc.
Peiresc et l’astronomie :
Peiresc le touche-à-tout mais aussi Peiresc l’astronome – c’est d’ailleurs le seul des domaines auxquels il s’est intéressé que j’évoquerai dans cet article qui, je le rappelle ne se veut pas biographique. Je souhaite cependant évoquer un peu de ses travaux.
Nicolas-Claude Fabri de Peiresc était intéressé par à peu près tout, dont l’astronomie. Il effectuait ses observations à l’aide d’une lunette astronomique, aussi bien depuis sa demeure aixoise, que depuis celle qu’il avait dans le Var, mais aussi depuis le sommet de la montagne Sainte-Victoire. De plus, il correspondait avec le célèbre astronome italien Galilée.
–
Les satellites de Jupiter :
Le 24 ou 25 novembre 1610, c’est lui et Joseph Gaultier de la Valette (vicaire d’Aix et astronome amateur), qui auraient été les premiers en France à observer les quatre satellites orbitant autour de la planète Jupiter : Callisto, Europe, Ganymède et Io. Ces satellites situés à environ 600 millions de km de la Terre avaient été découverts dix mois plus tôt, en janvier 1610, par l’astronome italien Galilée.
J’avais eu l’occasion de les photographier à l’été 2018 :
–
La nébuleuse d’Orion (M42) :
Deux jours plus tard, le 26 novembre 1610, Peiresc et Gaultier de la Valette découvrirent la nébuleuse d’Orion.
Découvrirent ou auraient découvert. Car l’attribution de cette découverte, en elle-même est parfois confuse, c’est d’ailleurs un problème récurrent à chaque « découverte ». Qui fut le premier ?
En fait, tout dépend de ce que l’on appelle « découvrir quelque chose », la nuance entre « observer » et « interpréter ce que l’on observe » étant variable selon chacun.
En effet, cet objet gazeux situé à plus de 1000 années-lumière de la Terre aurait déjà été observé bien avant Peiresc, dès le IIe siècle par l’astronome grec Ptolémée, puis aux alentours de la période de Peiresc entre les XVIe et XVIIe siècles par le danois Tycho Brahe et l’allemand Johann Bayer. Cependant, ces derniers ne l’auraient interprété que comme étant une seule et unique étoile ou planète. Il fut aussi un temps où sa découverte fut attribuée à l’astronome hollandais Christian Huygens qui l’avait aussi observée au XVIIe siècle.
Néanmoins, il semble désormais communément admis que la découverte de cette nébuleuse revient à Peireisc.
–
La Lune cartographiée :
En 1635-1636, en collaboration avec l’astronome avignonnais Pierre Gassendi, il avait prévu la réalisation de ce qui aurait été l’une des premières cartes très détaillées de la Lune, et qui devait être réalisée par le graveur Claude Mellan (si ce sujet vous intéresse, je recommande la lecture de cet article qui mentionne l’éventualité que Mellan n’aurait pas forcément utilisé directement les plans de Peiresc mais en aurait eu d’autres pour bases, tout en utilisant les relevés de Peiresc et Gassendi).
Les relevés de notre satellite se situant à environ 350 000 km de la Terre auraient été effectués depuis le sommet de la montagne Sainte-Victoire par Peiresc et Gassendi. Le projet de cartes fut partiellement réalisé par Mellan mais Peiresc, qui finançait le projet, mourut à Aix le 24 juin 1637, laissant cette grande entreprise en partie inachevée (8).
Il reste cependant quelques gravures achevées par Mellan à la demande de Peiresc. Elles sont conservés à la bibliothèque Nationale de France (9).
L’une d’entre elles est visible ci-dessous :
– – –
Rappel, je n’ai fait que survoler sa vie et ses activités (y compris en astronomie), le but de cet article n’étant pas de faire une biographie de Peiresc.
Peiresc, toujours dans l’espace :
Bien que de nos jours Nicolas-Claude Fabri de Peiresc ne soit plus de ce monde, sachez qu’il est, d’une certaine manière, toujours un peu parmi nous, en levant les yeux au ciel.
En effet, en 1935 « l’International Astronomical Union » baptisa l’un des cratères de la Lune du nom de Peirescius.
En 2006, sept autres cratères entourant Peirescius ont à nouveau été baptisés sous les noms de Peirescius A, B, C, D, G, H et J (ne me demandez pas pourquoi il n’y a pas de E ni de F) :
Enfin, un astéroïde situé dans la ceinture principale d’astéroïdes, se trouvant entre les orbites de Mars et Jupiter qui fut découvert le 15 septembre 1993 par Eric Walter Elst porte aussi le nom de Peiresc, il est nommé (19226) Peiresc.
– Plus d’infos à ce sujet dans article ci-dessous :
Pour conclure :
Avant que les spécialistes ne me reprochent d’avoir largement survolé Peiresc (ce qui est vrai), je précise encore une fois que cet article n’avait pas pour vocation d’être biographique, ni de résumer l’entièreté des activités de Peiresc tant elles furent nombreuses et variées. Je souhaitais surtout évoquer le monument, et parler un peu du personnage, car je pense que c’était quand même nécessaire, en mettant en avant quelques une de ses activités, en particulier en astronomie.
Reste que Nicolas-Claude Fabri de Peiresc fut un personnage passionnant du XVIIe siècle, curieux de tout et qui mérite, encore aujourd’hui, que l’on s’intéresse à ses travaux et à sa vie.
Sources :
(1) Ambroise Roux-Alpheran : « Les Rues d’Aix – Tome 1 » (1846-1848) – (chap. rue Peiresc)
(2) Le Mémorial d’Aix du 10 novembre 1895 (page 1, colonne 4)
et Le Mémorial d’Aix du 28 novembre 1895 (page 1, colonne 4)
(3) La Croix du Provence du 17 novembre 1895 (page 3, colonne 1)
(4) Le Mémorial d’Aix du 6 septembre 1942 (page 2 , colonne 2)
et Le Mémorial d’Aix du 20 septembre 1942 (page 2, colonne 2)
et La République Socialiste du 3 février 1945 (page 1, au centre)
(5) La République Socialiste du 17 février 1945 (page 1, au centre)
(6) A propos du monogramme de Peiresc : lesamisdepeiresc.fr
(7) A propos du planétarium Peiresc : aix-planetarium.fr
(8) Jean-Pierre Luminet – LA RÉVOLUTION COPERNICIENNE CHEZ LES HUMANISTES PROVENÇAUX (3) : PEIRESC
(9) A propos des découvertes de Peiresc : peiresc.var-ww.fr
L'ajout de commentaires est momentanément désactivé.