Le palais de justice d’Aix au fil du temps

Le palais de justice d’Aix-en-Provence, tel que nous le connaissons aujourd’hui, a connu beaucoup de modifications depuis son apparition.

Cet article est une sorte de chronologie des changements qu’il a connu au fil du temps. Nous commencerons par les débuts de sa construction à la fin du XVIIIe siècle pour finir au XXIe.

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Un projet de Claude Nicolas Ledoux perturbé par la Révolution :

Le chantier du nouveau palais de justice de la ville d’Aix débuta en 1786, sur l’ancien emplacement du palais comtes de Provence qui fut démoli à la fin du XVIIIe siècle.

Ci-dessous, le plan de cet ancien palais :

Ci-dessous, on peut observer l’emplacement qu’occupait le palais comtal (en jaune) par rapport à l’emplacement qu’occupe actuellement le palais de justice (en pointillés rouge).

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1786 / 1790 – Le début des travaux et le projet inachevé de Claude-Nicolas Ledoux :

Les plans du nouveau palais de justice d’Aix furent dressés par l’architecte Claude-Nicolas Ledoux. Après avoir réfléchi à plusieurs emplacements :

– en bas de l’actuel cours Mirabeau :

– ou encore du côté de l’actuel cours Saint-Louis :

C’est finalement en lieu et place de l’ancien palais des comtes de Provence que l’édifice allait être bâti.

A cet emplacement la localisation des prisons et du palais auraient pu se trouver dans une autre configuration avec les prisons sur la place des Prêcheurs comme on peut voir sur le plan ci-dessous :

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Le bon emplacement :

Le plan ci-dessous représente le projet de Ledoux définitif superposé au tracé des rues de l’époque qui allaient en grande partie disparaître lors du réaménagement du quartier :

Le terrain dont il disposait avait un surface de 7000 m² (*) et l’édifice qu’il avait conçu à l’origine était bien plus complexe et massif que ce qu’il n’est aujourd’hui :

Cependant, sa réalisation se fit quelque peu dans la douleur, dans la mesure où si tout allait pour le mieux dans les débuts de son édification, un imprévu de taille allait changer les choses : la Révolution.

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1790 – Arrêt du chantier en raison de la Révolution

A partir de là, le chantier fut stoppé par un décret en date du 29 octobre 1790 (**).

A ce moment de l’histoire, les nouveaux murs ne s’élevaient alors qu’à seulement un à deux mètres au dessus du sol. Désormais, les aixois allaient vivre avec un chantier en pause sous leurs yeux durant (très) longtemps.

Ledoux, n’ayant jamais pu mener à bien son projet de palais, tel qu’il l’avait pensé a écrit en 1804 : « J’ai commencé beaucoup de bâtiments que l’inconstance ne m’a pas permis d’achever. Il semble que cette nation ne soit pas susceptible d’une pensée durable, et qu’elle ne puisse atteindre au delà du provisoire. (…) Ce qui aurait contribué à faire valoir mon ouvrage n’a pas été achevé. (…) La suspension du palais de justice, des prisons de la ville d’Aix a excité mes regrets » (***).

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1822 / 1831 – La reprise du projet et son achèvement par Michel Robert Penchaud :

Ça n’est qu’au début du XIXe siècle que le chantier du palais fut remis en route. Mais le temps et les événements passés avaient désormais changés les choses, et le projet grandiose conçu initialement par Claude-Nicolas Ledoux, fut revu drastiquement à la baisse par le nouvel architecte Michel-Robert Penchaud. Les travaux reprirent en septembre 1822, soit après 32 ans d’arrêt.

C’est donc un édifice bien plus modeste, à la fois en proportions et en allure, qui fut finalement achevé en 1831 et la Cour prit possession des murs en date du mercredi 13 novembre 1832 (##). Raison pour laquelle le palais de justice actuel est relativement éloigné des gravures du projet de Ledoux.

Des restes de ce qui aurait dû être le palais initial n’ont pas disparu pour autant, car à l’été 2017 les fouilles archéologiques menées dans le quartier, rue Monclar, ont remis au jour une partie des fondations mises en place au XVIIIe siècle. Le tout a depuis été remis sous terre.

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1847 – Deux statues pour orner l’entrée du palais :

Le 6 août 1842, le conseil municipal, délibéra d’ériger au devant du palais de justice deux statues rendant hommage aux jurisconsultes Jean Etienne Portalis et Joseph Jérôme Siméon, qui participèrent entre autre à la rédaction du Code Civil. Leur réalisation fut confiée au sculpteur aixois Joseph Marius Ramus.

Une fois achevée, leur inauguration eu lieu 8 novembre 1847, les deux statues sculptées dans le marbre furent installées aux deux extrémités de l’escalier principal (1).

Le catalogue du musée d’Aix de 1900 mentionne qu’il aurait été était prévu que quatre autres statues soient installées au palais de justice. Symbolisant la Vérité, la Force, la Justice et la Prudence, ces dernières seraient restées à l’état de maquettes (2).

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1864 – La couverture de la cour du palais :

On a tendance à l’oublier car on ne la voit que de loin, d’en haut ou de l’intérieur, mais le palais possède une très jolie verrière qui couronne son toit. Un ensemble qui n’a pas toujours été là.

Car si la cour intérieure du palais de justice est actuellement « à l’intérieur », ce ne fut pas toujours le cas. A l’origine, cette cour n’avait pas de toit et était à ciel ouvert. On le remarque sur de nombreux plans anciens, comme sur celui ci-dessous datant de 1848 (cour mise en évidence en pointillés rouges) :

Cette cour possédait un puits qui aurait pu remonter à une adduction d’eau datant de l’ancien palais comtal. En 1858, le puits a disparu lors de l’établissement d’une pelouse dans la cour (###).

Le magistrats, ne supportant plus que le lieu soit ouvert à tous les vents, on envisagea alors la couverture de la cour du palais en 1859 pour régler le problème et plusieurs projet furent étudiés.

En 1860, c’est finalement le projet de couverture conçu par Auguste Martin (1818-1877), architecte du département, qui fut retenu. Le projet consistait en la couverture de la cour avec une charpente recouverte de zinc surmontée d’une lanterne vitrée (3). Les travaux des ferronneries furent confiés au marseillais Bertrand Gabelle, quant aux échafaudages, indispensables pour la réalisation du chantier, ils furent réalisés par le charpentier aixois Piccou.

La nouvelle couverture était supportée par 20 colonnes de fonte et nécessita pas moins de 125 000 kg de métaux (4). Le tout fut achevé à l’été 1864 pour un coût total de 160 690, 06 francs d’alors.

Elle culmine de nous jours à un peu plus d’une trentaine de mètres de haut.

A compter de cette date, le palais de justice avait transformé sa cour en immense salle des pas-perdus, nouvellement dallée pour l’occasion (5).

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Une horloge pour le palais de justice :

A l’origine, le palais de justice d’Aix ne possédait pas d’horloge au dessus de la fenêtre centrale de sa façade principale. On constate qu’elle est absente sur la photo ci-dessous prise avant son installation :

Cette dernière fut proposée en 1877 par le Conseil Général du département. Le devis d’alors consistait en la fourniture, la pose et la mise en marche d’une horloge horizontale, marchant huit jours avec une chute de 10 mètres. Le tout sonnant avec une cloche de 180 kg, avec sonnerie à répétition pour donner l’heure extérieurement et intérieurement. (6)

Son coût devait être réparti aux deux tiers à la charge de l’État et le tiers restant au département. (7) Deux ans plus tard, en 1879, sa pose était votée et la presse annonça sa prochaine installation (8)

Son installation eu lieu en mai 1879, comme l’indique l’extrait de presse ancienne ci-dessous :

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Le palais de justice au XXe siècle :

Achevé en 1831, orné de statues en 1847, protégé des caprices du temps depuis 1864 et bien à l’heure depuis 1879, voici à quoi ressemblait le palais de justice au début du XXe siècle :

Mais l’histoire n’allait pas s’arrêter là.

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La statue de Mirabeau – De l’hôtel de ville au palais de justice.

Le palais de justice accueille une statue de Mirabeau depuis 1922. Cependant, l’histoire de cette statue est plus ancienne.

Son histoire débuta en 1869, année où le sculpteur aixois François Truphème présenta au salon des Beaux-arts une sculpture représentant Mirabeau…

1869 – Une statue de Mirabeau pour le palais de justice :

Cette année là, le département des Bouches-du-Rhône proposa de l’acheter, afin d’en faire une reproduction qui serait placée dans le palais de justice (9). Mais c’est finalement l’État qui l’acheta et qui offrit la statue au département (livraison également offerte). L’œuvre arriva à Aix par Marseille au printemps 1875 (10).

En 1875, le Conseil Général du département délibéra que la statue soit érigée dans les plus brefs délais dans la salle des pas-perdus du palais de justice.

Seulement voila, de nombreuses voix s’élevèrent quant à la présence future d’une représentation de Mirabeau au sein même du palais de justice. Les raisons étaient liées au passé, notamment le ministre des Beaux-Arts lui-même qui signalait « l’inconvenance qu’il y aurait à élever une statue à Mirabeau là où une condamnation avait été prononcée contre lui ». Par une dépêche du 13 avril 1875, il indiquait ainsi qu’il convenait de ne pas donner suite au projet primitif, consistant à placer la statue au palais (11).

En attendant de lui trouver un emplacement, la statue fut placée au musée d’Aix (actuel musée Granet).

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1876 – Mirabeau ira finalement dans la cour de l’hôtel de ville :

Par délibération du conseil municipal du 9 septembre 1876, il fut finalement décidé que la statue de Mirabeau, qui n’avait donc pas sa place au palais de justice, soit installée dans la cour de l’hôtel de ville. (12)

# Anecdote – Un socle qui fit souffrir les transporteurs :
La préparation de son installation ne fut pas de tout repos, car la statue devait être dressée sur un socle. On achemina alors un bloc de marbre de 7 tonnes, extrait des carrières de l’Echaillon en Isère, en vue d’être taillé dans la cour de l’hôtel de ville. Si son transfert se passa son heurts jusqu’à Aix, un gros problème survint à la fin de son voyage en octobre 1876. Dans le virage des actuelles rues Aude et Foch, l’essieu de la remorque qui le transportait se brisa. Les transporteurs, avec toutes les peines du monde, durent donc acheminer comme ils le purent le bloc sur les quelques 150 mètres restants qui le séparaient de l’hôtel de ville (13).

Initialement prévue le 21 décembre, l’inauguration fut avancée au 17 décembre 1876.

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1922 – Mirabeau finalement au palais de justice

Depuis le 11 avril 1922, la statue de Mirabeau se trouve désormais dans la salle des pas-perdus du palais de justice, lieu pour lequel elle avait été acquise presque un demi-siècle plus tôt. Son transfert de la cour de l’hôtel de ville jusqu’au palais de justice fut réalisé au frais du département (14).

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Années 50 – Un petit étage en plus :

A l’origine, le palais de justice ne comportait qu’un étage. La vue ci-dessous nous montre l’édifice au devant duquel on observe aussi l’ancien monument à la gloire de Mirabeau inauguré en novembre 1926 et détruit en octobre 1963 :

– Ci-dessous (en pointillés rouges), l’étage ajouté :

En 1947, suite à une expertise menée par l’architecte Gaston Castel, des problèmes furent constatés, ce qui nécessita une remise en état des charpentes et de la verrière du bâtiment. De plus, à cette période, en raison d’un manque de place, on prit la décision de surélever l’édifice en y ajoutant un étage en 1958. Couronnant sa corniche, cet ajout serait dédié au greffe et aux archives (15) et (16).

Les archives départementales des Bouches-du-Rhône conservent des relevés datant de 1951 de la façade du palais avant sa surélévation ainsi que des esquisses du projet, en vue des travaux. – Cote 86 Fi – Studio Detaille. – Agence d’architecture Castel, projets, réalisations et chantiers : reportages photographiques. (1935 – 1959).

– Ci-dessous, un relevé de la façade du palais réalisé en 1951 tel qu’il était avant sa surélévation :

– Ci-dessous, une vue du palais réalisée en 1951 figurant le projet du nouvel étage :

Entre la gravure du projet ci-dessus, et la vue actuelle ci-dessous, on constate quelques différences, en particulier au niveau des fenêtres du nouvel étage qui sont sur la réalisation définitive de dimensions plus réduites et dont les encadrements semblent moins travaillés.

Vu du dessus, on constate aussi les changements avant et après l’ajout de l’étage :

Cet étage fut la dernière modification majeure visible apportée à l’édifice.

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Années 90 – Attentat au palais :

1992 – Un attentat au palais de justice d’Aix :

Dans la nuit du du 23 au 24 novembre 1992, vers 02h00 du matin, le palais fut touché par un attentat à la bombe revendiqué par l’ex-FLNC « canal historique » pour honorer la mémoire d’un membre.

« Les quinze kilos de dynamite, répartis de part et d’autre de l’édifice en haut du grand escalier extérieur, ont fait voler en éclats la porte d’entrée monumentale en bois, endommagé les premières colonnes de la salle des pas perdus, grêlé un peu plus le visage de Mirabeau et dévasté des salles d’audience ». (17)

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Mentionnons, pour finir, l’ajout d’une grille au pieds des marches du palais dans les années 2000.

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Cet article ne se veut pas exhaustif mais j’ai estimé qu’il était intéressant de revenir ce qui a fait les grandes dates du palais de justice d’Aix.

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– Sources :
(#) Lettres patentes du roi 1786 : Bibliothèque patrimoniale Aix-Marseille Université
(*) Claude-Nicolas Ledoux, 1736-1806 – Marcel Hubert Raval – 1945 (page 58)
(**) Collection complète des lois, décrets, ordonnances, avis du Conseil d’État de 1788 à 1830 (page 423)
(***) L’architecture considérée sous le rapport de l’art – C.-N. Ledoux – page 33 – (1804)
(##) La Provence Nouvelle du 18 novembre 1888 (page 4, colonne 1)
voir aussi : Le Mémorial d’Aix du 9 octobre 1910 (page 2, colonne 1)
voir aussi : Discours pour la rentrée de la Cour le 13 novembre 1832 (page 5)
(1) Le Mémorial d’Aix du 21 novembre 1847 (page1, colonne 1)
Voir aussi : Procès-verbal de l’inauguration des statues de Portalis et de Siméon, devant le Palais de justice d’Aix (1847)
(2) Catalogue du musée d’Aix (Bouches-du-Rhône) – Page 285 – Henri Pontier – (1900)
(###) Le Mémorial d’Aix du 12 janvier 1862 (pages 2, colonne 4 et page 3, colonne 1)
(3) Rapports et délibérations / Conseil général du département des Bouches-du-Rhône (1860) (page 37 et suite)
(4) Le Mémorial d’Aix du 10 juillet 1864 (page 2, colonnes 2 & 3)
(5) PALAIS DE JUSTICE D’AIX-EN-PROVENCE – Couverture de la cour carrée (Bernard Thireau, Ingénieur Divisionnaire des travaux publics de l’Etat)
(6) Conseil Général des Bouches-du-Rhône – Août 1877 – Rapport de l’architecte en chef du département sur la situation du service des bâtiments départementaux
(7) Conseil Général des Bouches-du-Rhône – Août 1878 – Rapport de l’architecte en chef du département sur la situation du service des bâtiments départementaux
(8) Le Mémorial d’Aix du 4 mai 1879 (page 2, colonne 3)
(9) Conseil Général des Bouches-du-Rhône – Août 1869 – Rapports et délibérations (page 123)
(10) Conseil Général des Bouches-du-Rhône – avril 1875 – Rapports et délibérations (page 172 et suite)
(11) Le Mémorial d’Aix du 16 mai 1875 (page 1, colonne 2)
(12) Le Mémorial d’Aix du 17 septembre 1876 (page3, colonne 1)
(13) Le Mémorial d’Aix du 29 octobre 1876 (page 2, colonne 3)
(14) Le Mémorial d’Aix du 16 avril 1922 (page 1, colonne 3 et page 2, colonne 2)
(15) Présentation patrimoniale et architecturale du palais de justice – Ville d’Aix
(16) Jean-Paul Coste – Aix-en-Provence et le pays d’Aix (page 82 ed. 1985)
(17) La Provence du vendredi 27 août 2021 (par Laetitia Sariroglou)

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Sources iconographiques :
Palais de justice à Aix par Claude Gondran – Bibliothèque Méjanes, Aix-en-Provence – Cote : PHO. GON. (1), 22

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