Cette fois-ci nous allons non pas nous intéresser à un seul lieu mais à plusieurs, qui sont concentrés dans une même zone. Une zone qui fit son apparition dans le courant du XIIIe siècle.
Voici quelles étaient les limites de la ville à cette époque:

La rue des Magnans n’est pas bien large, et relie la rue de l’Annonciade à celle des Cordeliers. Avec son allure d’étroite rue peu fréquentée on est en droit de penser que son passé ne possède rien de particulier, et pourtant… Elle fit son apparition lors de l’agrandissement de la ville comtale au XIIIe siècle (voir les cartes des évolutions d’Aix).
A l’époque, elle portait le nom de rue de la Tannerie-Vieille, probablement en raison de tanneurs qui s’y seraient installés. A présent, avançons jusqu’au numéro 8. On peut alors y découvrir une bien étrange pierre sur laquelle on peut lire:
TANT QVA NOVS
PLAIRRA 1584

La pierre d’origine est celle du dessus, noircie et lissée par le temps, on y distingue encore à peine la fin de l’année on l’on peut y deviner le nombre « 84 ». Sous elle, on a placé une pierre plus récente où l’inscription de l’ancienne y est plus lisible.Cette plaque n’a pas été placée là par hasard, voici sa signification:
Tout c’est passé au XVIe siècle, Hugues Bombar, Seigneur de Magnan, et qui deviendra trésorier à la Cour des Comptes des Etats de Provence fit l’acquisition d’un vaste jardin de l’autre côté de cette rue, aux environs de cette zone:

L’un de ses trois fils, Vincent II de Bombar fit venir l’eau d’un puits situé dans une autre rue, jusqu’à ce jardin. L’eau ainsi conduite terminait sa course à la sortie d’une fontaine placée dans le jardin se trouvant contre un mur donnant dans la rue des Magnans.
Et parfois, lorsqu’il y avait utilisé assez d’eau, il faisait alors se déverser le trop-plein dans le ruisseau public s’écoulant au centre de la rue. Mais de crainte que la ville ne s’approprie cette eau par voie de prescription au autre, et qui n’était déversée que par le bon vouloir de son propriétaire, Vincent II de Bompar plaça cette fameuse inscription que l’on pourrait traduire par: « tant qu’il nous plaira » Ce « tant qu’il nous plaira » finira même par devenir la devise de la famille Bompar-Magnan.
Depuis, la fontaine du jardin a été déplacée et l’écoulement a disparu. En revanche, la pierre est toujours visible, bien que très altérée par le temps.

Le nom de la rue :
Attardons nous à présent sur le nom de la rue « des Magnans », ou plutôt faudrait-il dire « de Magnan »?
Pourquoi cette nuance?

Le début d’une réponse nous vient de l’historien du XIXe siècle Roux Alphéran: En effet, selon lui la rue devrait porter le nom « de Magnan » et non « des Magnans ». Car comme nous l’avons vu, Magnan est un nom de famille, ce nom qui fut donné à la rue devrait donc être effectivement au singulier.
Mais ce qui a peut être induit en erreur, c’est que le terme « Magnans » en provençal signifie des vers à soie. Seulement, aucun élevage de vers à soie n’aurait existé dans cette rue. Alors pluriel ou singulier ? Le doute subsiste… (Une exception peut être envisagée : celle qui où l’on parle d’une dynastie, où dans ce cas, l’emploi du « s » est justifié. Merci à Frédéric Paul pour la précision.)
En conclusion de cette histoire, je citerais Roux-Alpheran (encore une fois), qui à propos de la rue des Magnans écrivait: « C’est bien une des rues les plus sales et les plus dégoûtantes qu’on puisse voir… »

A deux pas de cette rue se trouve l’ancienne église de l’Annonciade, cliquez ci-dessous pour en savoir plus :
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– Sources:
Roux-Alphéran – Les Rues d’Aix Tome 1 – (1846-1848)
Plan d’Aix en 1575 : Gallica – BNF
Référence: Le quartier du port de Marseille. Une réalité urbaine restituée. Colette Castrucci. Presses Universitaires de Provence. Aix-en-Provence. 2016. Page 23