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Les 800 ans de la chapelle de la Pureté ? Toujours rien 6 ans plus tard.

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Article initialement publié le 15 août 2015 – Mis à jour le 5 novembre 2021 pour remettre en lumière le sujet :


Je mets à jour cet article assez ancien pour remettre en lumière un fait remontant à 2015 mais qui est toujours d’actualité malgré mon intervention. Une erreur de taille signalée à la ville mais jamais corrigée par celle-ci sur son site en 6 ans.

Et avant d’aller plus loin je précise que ma démarche n’est pas là pour critiquer dans le vide mais pour argumenter et éviter la propagation d’erreurs historiques sur le site de la ville qui, à mon sens, ne devrait pas en posséder de telles.

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Laissez moi donc vous narrer une petite anecdote :

En août 2015 je me promenais sur le site web de la mairie d’Aix et tombais sur un article relatant la restauration d’alors de la chapelle de la Pureté située dans la rue Bédarrides (à la fin de cet article). 

Parcourant ce dernier, j’ai lu dans un encart à la fin de celui-ci que la chapelle de la Pureté aurait près de 800 ans. C’est à ce moment de l’histoire qu’un énorme doute s’immisça en moi.

En effet, pour avoir parcouru bon nombre d’ouvrages et de plans récents et anciens, je n’ai jamais lu une telle information.

Je ne suis pas pointilleux pour quelques années, car dans ce cas précis la différence ne se compte pas en années mais plutôt siècles. Je ne sous-entend pas la présence d’une telle erreur gratuitement, je regrette juste la présence d’infos erronées sur le site de la ville.


L’article en question :

Dans l’article du site de la mairie, on peut lire (sous réserve d’une modification de la part de son auteur – p.s. : toujours rien en 2021…):

Huit siècles d’histoire :
La chapelle Notre-Dame de Beauvezet, connue également sous le nom de chapelle de la Pureté, a été bâtie au XIIIème siècle. Elle fut, aux XIVème-XVème siècles, le siège de la fraternité Saint-Eloi, qui regroupait les travailleurs de métaux. Sous la Révolution, la congrégation fut dissoute et la chapelle vendue comme « bien national ». A la Restauration, les Pénitents Gris l’achetèrent, en 1816, et l’occupèrent jusqu’en 1859, date à laquelle ils partirent s’installer rue Lieutaud – où ils se trouvent toujours. La chapelle de la Pureté fut désaffectée en 1905. Elle servit d’entrepôt puis abrita un transformateur électrique. Elle fut la propriété d’EDF jusqu’en 2009.

(source : site de la ville d’Aix)

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Sauf qu’en réalité, ici, la ville confond deux édifices et mélange leurs histoires respectives :

1 – L’ancienne chapelle Notre-Dame de Beauvezet :
Elle a bien existé dans la rue Bédarrides, et elle fut effectivement bâtie au XIIIe siècle mais elle fut détruite à la fin du XVIIIe siècle. Elle fut effectivement vendue comme bien national mais il n’en reste plus rien de nos jours. Son ancien emplacement correspond à l’actuel numéro 22 de la rue Bédarrides

2 – La chapelle de la Pureté :
Celle-ci se trouve plus au sud de cette même rue Bédarrides. Elle fut bâtie en 1714 (XVIIIe) par l’ordre de la maison hospitalière de la Pureté fondé en 1680. Cette chapelle, en revanche, existe toujours.

Analysons à présent l’évocation de ces deux édifices dans les écrits afin de démêler cette confusion :


Ces deux édifices dans les écrits :

L’ancienne chapelle Notre-Dame de Beauvezet dans les écrits :

En ce qui concerne l’évocation de cette chapelle aujourd’hui disparue, on peut par exemple citer une source relativement fiable : Ambroise Roux-Alphéran et son livre en deux tomes, « Les rues d’Aix » paru en 1846-1848. Dans le premier tome, à la page consacrée à la rue Beauvezet , l’ancien nom de la rue Bédarrides, on peut lire (pages 217 à 221 – Tome 1 – sur la réédition de 1985):

Une petite église abattue peu de temps avant la révolution avait donné son nom à cette rue sur la ligne orientale de laquelle elle était située, à peu près en face de celle qui y vient de la place Saint-Antoine (ndlr: l’actuelle place Ramus). Un noble et riche habitant d’Aix appelé Berard, (…) fit bâtir, en 1231, l’église dont nous parlons (ndlr: N-D de Beauvezet), ainsi qu’un hôpital (…). L’église fut dédiée à la sainte Vierge et construite hors des murs, à peu de distance de la porte de Marseille, sur une éminence d’où l’on jouissait d’un point de vue délicieux , au midi comme au couchant de la ville, ce qui la fit appeler Notre-Dame-de-Beauvezet (de Bellovisu ou de Belvezer). Les religieux Picpus du tiers-ordre de saint François, qui s’établirent à Aix en 1666, occupèrent dès lors l’église de Notre-Dame-de-Beauvezet et l’ont desservie jusqu’à leur suppression en 1787.

On comprend bien ici que Notre-Dame de Beauvezet fut bâtie au XIIIe siècle et occupée par des religieux jusqu’au XVIIIe. En ce qui concerne sa destruction, direction le bas de la page consacrée à la rue de l’Annonerie-Vieille (pages 222 à 224 – Tome 1 – sur la réédition de 1985) :

L’honorable M. Leydet, (…) propriétaire de cette maison et de celle que feu M. son père avait fait bâtir, en 1787, sur l’emplacement de l’ancienne église de Notre-Dame-de-Beauvezet, (…).

Nous avons donc ici confirmation que cette chapelle a disparu puisque que l’on apprend qu’une maison fut bâtie à son emplacement en 1787, la même année où l’ordre religieux qui occupait les lieux fut supprimé.

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La chapelle de la Pureté dans les écrits :

Pour aborder cette chapelle qui existe toujours, restons avec Ambroise Roux-Alphéran chez qui la date de construction de la chapelle de la Pureté est clairement indiquée et ne laisse pas place au moindre doute :

La maison hospitalière de la Pureté fondée, en 1680, par quelques pieux habitants en faveur des jeunes filles qui manquaient de direction,(…). Les pénitents gris ou bourras, font actuellement leurs exercices religieux dans l’ancienne église de la Pureté, dont la construction date de l’année 1714.

L’année retenue par Roux Alphéran est donc 1714.

Une seconde source vient appuyer ces dires en la personne du chanoine Edmond Marbot, qui dans son « Catalogue historique des sanctuaires et établissements religieux d’Aix depuis l’évangélisation jusqu’à l’an 1900 » (paru en 1913) nous apprend que les travaux auraient débuté dès 1712 pour s’achever selon lui vers 1714-15.

Les pénitents gris l’ont bien achetée comme mentionné dans l’article du site de la mairie, mais nous sommes très loin des 800 ans. Disons plutôt 300, c’est déjà beaucoup mais ça fait une différence de cinq siècles.

Si ces arguments ne suffisent pas, passons aux représentation de ces édifices sur des plans :


Ces deux édifices sur les plans anciens :

Ces deux chapelles furent représentées sur de nombreux plans anciens d’Aix. Ces plans, bien que parfois géométralement imparfaits dans leurs proportions, peuvent nous donner une idée générale de la datation de certaines constructions, ce qui est le cas ici.

Commençons par le plan ci-dessous de François de Belleforest daté de 1575 (nous n’avons malheureusement pas plus tôt).

On y voit bien la chapelle Notre-Dame de Beauvezet et on y note l’absence logique de la chapelle de la Pureté qui sera bâtie un siècle et demi plus tard.

Notre-Dame de Beauvezet est bien visible mais pas la chapelle de la Pureté.
– Belleforest – Aix – 1575

Passons à un autre plan, celui-ci de Maretz et daté de 1623. Ici, Notre-Dame de Beauvezet est bien représentée mais toujours pas de chapelle de la Pureté. Normal, là encore, elle ne fut bâtie que plus tard.

Toujours pas de chapelle de la Pureté à l’horizon… –
Aix au début du XVIIe siècle par Maretz

Avançons dans le temps et passons ci-dessous à un autre plan de 1753 par Esprit Devoux (plan de mauvaise qualité). Là nous avons en toute logique les deux chapelles qui coexistent. On distingue mal (mais quand même un peu) :

1 – En haut de la rue sur son côté est : Notre-Dame de Beauvezet qui avait ses arrières sur la rue Annonerie-Vieille.
2 – Plus au sud de la rue sur son côté ouest : la chapelle de la Pureté. Ce qui prouve d’avantage que cette dernière fut bâtie bien plus tard qu’au XIIIe siècle comme indiqué sur le site de la mairie.

Les deux chapelles sont bien présentes au XVIIIe siècle – Aix en 1753 par Esprit Devoux

La chapelle de la Pureté ne figurant désormais que sur les plans postérieurs au XVIIIe siècle, cela ne peut que confirmer qu’elle fut bien bâtie vers cette période. 

Nous le voyons, elles ont coexisté durant moins d’un siècle. La confusion est d’autant plus grande que cette rue, aujourd’hui « Bédarrides », aurai aussi été appelée « Beauvezet » ou encore « de la Pureté » selon les époques.


 En conclusion :

Ici donc, dans l’article rédigé sur le site de la ville en 2015, il y a eu une grande confusion.

Pour faire simple, l’ancienne église Notre-Dame de Beauvezet et la chapelle de la Pureté sont deux édifices bien distincts, chacun ayant été bâti à des périodes différentes et à des emplacements différents. Aucun ne descend de l’autre.

– La chapelle Notre-Dame de Beauvezet a existé du XIIIe au XVIIIe siècle, période où elle a été détruite et remplacé par une maison en 1787 toujours située face au débouché de la place Ramus sur la rue Bédarrides, au n°22.

– La chapelle de la Pureté qui est, quant a elle, un tout autre édifice situé dans la même rue, a été bâtie dès 1712 et achevée en 1714. C’est elle qui est toujours en place.

Dernier argument pour parachever mes écrits, voyez ci-dessous ce panneau présent sur la façade de la chapelle de la Pureté, il indique bien la date de 1714 :

Selon ce panneau, la chapelle aurait été fondée en 1714

Cette dernière n’a donc pas 800 ans mais 300. C’est Notre-Dame de Beauvezet (détruite) qui aurait eu 800 ans mais elle ne les aura jamais du fait de sa disparition vers 1787.

Cette confusion, comme j’ai pu le constater est reprise sur d’autres sites. J’ignore où a commencé l’erreur mais elle à l’air assez rependue.

Cependant, et assez curieusement, si l’on va sur l’article en question (ici) les 800 ans sont mentionnés ; alors que sur le même site de la mairie, on trouve un article daté de 2009 consacré à la chapelle de la Pureté (ici) qui ne mentionne aucunement cet âge avancé. La ville arrive donc à se contredire d’un article à l’autre.


Mon signalement :

Bref, passons. Une erreur, ça arrive à tout le monde (bien que celle-ci soit énorme) et ça peut donc être corrigé.

Cette datation erronée ne pouvait, selon moi, pas rester sur le site de la ville qui se doit d’être exemplaire en matière de données historiques la concernant. En plus, j’avais l’info et de quoi donner des corrections donc j’ai voulu renseigner.

En août 2015, j’ai donc contacté la ville, avec toutes mes preuves à l’appui (celles présentes dans cet article).

A l’époque, mon interlocuteur m’a indiqué s’être effectivement documenté auprès d’une source erronée. Et, après vérifications, m’a effectivement indiqué que mon analyse était correcte, comme l’indique la capture ci-dessous, un message privé Facebook daté du 3 septembre 2015 :

Extrait de mon échange en 2015 suite à l’erreur de datation de la chapelle de la Pureté

Je m’attendais donc à voir une correction de l’article, comme indiqué dans le message, un jour au l’autre, suite à mon apport de données que j’estimais plus que complètes.

Mais non, rien du tout en six années.


Aucune correction de l’article de la ville depuis mon signalement en 2015 :

En effet, cette erreur dans l’article est toujours en ligne au 5 novembre 2021 sur le site de la ville, soit plus de six ans après mon apport d’infos et ma correction suggérée auprès de la municipalité.

Encore une fois, le but de ma démarche n’est pas de dénigrer la municipalité. Non. C’est la façon de faire que je trouve curieuse.

Car pourquoi :
– la ville elle-même peut se tromper à ce point sur ses propres édifices ?
– elle ne prend pas la peine de corriger ses erreurs malgré un signalement très argumenté et reconnu par elle-même ?
– elle laisse des informations erronées sur son propre site ? Une plateforme qui, en principe, devrait être précise et fiable en renseignements pour celui ou celle qui passe par là.

Bref, de mon côté j’ai fait ce que je pensais être bon. Visiblement ça ne suit pas derrière, il ne faudra pas s’étonner si cette info toute fausse ressort ailleurs un jour où l’autre, le site de la ville pouvant être vu comme une « référence », mais malheureusement avec des imprécisions de taille, comme ici qui ne prendraient que quelques secondes à rectifier.

C’est à cause de ce genre de faits que de fausses infos ou rumeurs historiques se propagent ça et là.


Sources :
Les numéros des pages mentionnés sont ceux de la réédition de l’ouvrage « Les rues d’Aix » parue initialement en 1846-1848 et rééditée ,entre autre, en 1985 aux éditions des Presses du Languedoc.
Plan de Belleforest – 1757 – Gallica
Plan de Maretz – 1623- Gallica
Plan de Devoux – 1753 – Wikimedia


Categories: Les lieux
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