Située au nord de la place des Cardeurs et la reliant à la rue du Bon-Pasteur, la rue du Cancel est au premier abord une voie parmi tant d’autres.
Son allure ne la place pas au dessus, ni en dessous des autres rues de la ville. Elle est typique de ses semblables à ceci près qu’il faut savoir qu’à l’origine, elle était loin d’avoir l’allure et la longueur que nous lui connaissons aujourd’hui.
Il faut savoir que cette rue aujourd’hui « percée » par ses deux bords n’a pas toujours eu cette apparence. Sa particularité est en effet d’avoir été durant plusieurs siècles une impasse.
Cet article sera l’occasion de revenir sur l’histoire de cette ancienne impasse et de sa dénomination qui sont encore aujourd’hui étroitement liées.
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L’apparition de la rue du Cancel :
La rue du Cancel ne date pas d’hier et son apparition (ou du moins la zone qui accueillera cette voie) remonte aux nombreux agrandissements que la ville a subi au cours du XIV siècle. Explications et illustration:
– Les agrandissements du XIVe siècle au nord-ouest :
Les remparts qui suivaient le tracé des actuelles rues de Guerriers, des Cardeurs et Lieutaud, voient leur trajectoire modifiée pour emprunter celui de l’actuelle rue des Etuves, du Cours Sextius puis celui de la rue d’Entrecasteaux. Cet agrandissement fut l’occasion de créer une nouvelle porte au débouché de l’actuelle rue des Cordeliers.
Pour rappel, c’est lors de cet agrandissement que fut édifiée la Tourreluque. Cette nouvelle configuration des remparts à l’ouest n’allait plus changer jusqu’au début du XVIIe siècle (où l’enceinte fût étendue au sud-ouest lors de la création du quartier Villeverte).
C’est lors de cet agrandissement qu’est apparue la zone qui allait accueillir la future rue du Cancel.
– Les agrandissements du XIVe siècle au sud :
Le tracé des remparts qui passait au XIIIe siècle par les actuelles rues Espariat et Papassaudi en direction du Palais Comtal fut d’avantage étendu. Ainsi la Porte Royale (ou des Augustins) qui se trouvait au débouché de l’actuelle rue Bédarrides a elle aussi suivi le changement et s’est retrouvée plus bas, au croisement entre les actuelles rues Isolette, Paul Doumer et Espariat.
Les nouvelles murailles, elles, allaient alors vaguement suivre les actuels tracés du Cours Mirabeau et de la rue Thiers, toujours en direction du Palais Comtal. La partie longeant l’actuelle rue Thiers sera étendue à l’est vers le XVe siècle (voir l’article concernant la Place des Prêcheurs). Ceux longeant à peu près le tracé du Cours allaient rester en place jusqu’à la moitié du XVIIe siècle (ces derniers seront détruit lors de la création du Cours vers le milieu du XVIIe siècle.)
Voici une illustration représentant les agrandissements du XIVe siècle:
– En rouge: les nouveaux agrandissement du XIVe siècle
– En jaune: l’emplacement de la rue du Cancel
Plus d’infos sur les agrandissements de la ville en cliquant ci-dessous:
Aix au fil des siècles
Elle fut habitée assez rapidement après cet agrandissement car l’auteur Roux-Alphéran y mentionne que des habitations y sont présentes dès le début du XVe siècle.
Cette voie (où plutôt impasse à l’époque) n’était alors peut-être qu’un simple chemin et pas une rue comme on peut l’imaginer de nos jours mais elle commençait peu à peu à prendre forme…
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L’impasse sur les plans anciens :
C’est sur les plans anciens que l’on s’aperçoit mieux du fait que c’était une impasse.
– Voyez ci-dessous, ce plan du XVIIe siècle :
– La voici sur un plan de 1753 :
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Son nom :
Rue du Cancel. Il faut bien avouer que ça n’évoque probablement pas grand chose pour la plupart d’entre nous.
C’est bien normal car pour le comprendre, il faut remonter assez loin dans le temps. La pratique du latin et du provençal est un plus.
La réponse est à chercher dans l’ancienne dénomination en provençal de cette rue: « lou Canceou ».
Le terme provençal « Canceou » serait un dérivé du substantif latin « Cancellatus » qui signifie barré, borné ou encore limité, ce qui indiquait le cul-de-sac qu’était cette rue.
Bien qu’aujourd’hui elle ne possède plus cette particularité, elle en a malgré tout conservé le souvenir dans son nom qui n’a pas changé à la différence de beaucoup d’autres rues de la ville au début du XIXe siècle. Par ailleurs, les dérivés du terme « cancel » sont nombreux en latin. Une partie d’entre eux signifient délimiter ou encore fixer des limites.
A noter que cette voie a aussi été nommée « impasse de la rue du Bon-Pasteur » (source : La Provence du 14 décembre 1890 – page 2, colonne 3).
Nous retrouvons dans ces explications le côté « clos » de cette rue.
Notons au passage que l’oratoire présent au dessus des panneaux sur la photo ci-dessus (prise à l’ange des rues du Cancel et du Bon-Pasteur) représente une Vierge à l’Enfant et daterait du XVIIe siècle.
L’impasse qui n’en est plus une :
C’est au XIXe siècle, vers 1820 plus précisément que cette impasse fut percée jusqu’à l’îlot des Cardeurs l’îlot des Cardeurs fut abattu en 1963, voir l’article sur la Place des Cardeurs.
On peut supposer (je n’en ai pas trouvé l’exacte certitude) que la rue du Cancel ait été prolongée dans le cadre du plan d’alignement d’Aix qui a eu lieu en 1820.
En effet, une loi du 16 Septembre 1807 obligeait toutes les villes de plus de 2000 habitants à dresser un plan d’alignement et à le respecter. Ce plan consistait à aligner les rues et ainsi à leur faire gagner en régularité. Plusieurs rues et places de la ville furent alors remaniées, ce qui leur fit perdre leur côté « ancien » et irrégulier.
Les détails de ces modifications sont visibles sur un plan ancien nommé « Plan d’alignement général de la ville d’Aix levé en vertu de la loi du 16 septembre 1807 » daté de 1819 où l’on voit sur celui-ci que la zone non percée de l’impasse du Cancel y est indiquée comme étant à démolir.
Une anecdote pour finir :
Souvenez vous, dans un précédent article j’avais évoqué une exécution qui se serait déroulée dans la partie haute de la rue voisine du Bon-Pasteur (voir l’article).
J’avais donné l’explication du nom de cette dernière en expliquant qu’elle le tenait de la présence d’une maison hospitalière pour femmes repenties que l’on nommait « Les filles repenties« ou encore « Les filles du Bon-Pasteur« .
Cet établissement fondé dans la première moitié du XVIIe siècle accueillait alors les femmes ayant mené une vie peu régulière et voulant se remettre dans le « droit chemin » en revenant vers dieu. Présente jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, cette maison se trouvait sur les terrains formant aujourd’hui l’angle entre la rue du Bon-Pasteur et la rue du Cancel.
– Sources:
Les rues d’Aix – Roux Alphéran Tome 1
Plan Cundier 1666: Gallica BNF
Plan 1753 Devoux: Wikimédia
Liste des oratoires d’Aix: A.R.P.A. (Doc PDF)
Pour en savoir plus sur le plan d’alignement de 1807 en France: persee-fr
Pour en savoir plus sur l’urbanisme en France: fr.wikipedia.org
Orientations – Aménagement (Doc PDF Mairie d’Aix)
– Le plan d’alignement de 1807 est visible dans l’ouvrage « Plans des Villes – Aix en Provence
de M-E Bellet et Marc Heller – Pages 48 et 49.
Christophe Regina, « Brimer les corps, contraindre les âmes : l’institution du Refuge au XVIIIe siècle. », Genre & Histoire [En ligne], 1 | Automne 2007, mis en ligne le 23 novembre 2007, consulté le 24 juillet 2015.