– Article mis à jour le 12 février 2016, initialement publié le 7 février 2015
Aujourd’hui, direction le quartier accueillant le complexe sportif du Val de l’Arc. Ce quartier qui avait autrefois pour nom celui de Pérignane et que l’on appelle encore parfois « Les Infirmeries » accueille une résidence hôtelière qui a pour nom « la Bastide du Roi René ». Nous allons découvrir que ces appellations remontent à plusieurs siècles et revenir par la même occasion sur l’histoire de ces anciennes infirmeries, de la bastide initiale et de son lien direct avec le roi René.
1 – La Bastide du roi René avant les Infirmeries :
Dans l’article consacré à la Place des Prêcheurs, nous avions évoqué le jardin du roi René qui occupait la surface couvrant les alentours de l’actuel lycée du Sacré-Cœur.
Avec le temps le roi René fini par déserter ce jardin et vers 1470, il fit l’acquisition d’une bastide dans le quartier de Pérignane (le nom de l’actuel quartier du Val de l’Arc à l’époque) à la périphérie de la ville dans la vallée de l’Arc. Deux ans plus tard il entreprit des travaux afin de la rénover et de l’agrandir.
Il quittait souvent le Palais Comtal pour cette zone située au sud de la ville où la campagne régnait encore. En provençal on la nommait bastido long Lar, quartié de Perignano o perinhan, de-vers lou pouent dei Trei-Sautet. Inutile de pratiquer couramment la langue provençale pour comprendre cette dénomination que l’on pourrait (vaguement) traduire par « la bastide près/le long de l’Arc, quartier de Pérignane près/vers le pont des Trois-Sautets.
D’un point de vue architectural, il est important de préciser que la bastide du roi n’était formée que de l’actuel bâtiment formant l’angle des Infirmeries. Les deux grandes ailes apparaîtrons bien plus tard…
Au cours de ses dernières années le roi René a passé beaucoup de temps dans sa bastide, d’où il a rédigé beaucoup de lettres et d’articles dont certains sont encore connus aujourd’hui. Le bâtiment subira encore un agrandissement en 1478 et on suppose qu’une salle de jeu de paume se situait à l’étage. Suite à la mort du roi en 1480, la bastide sera cédée à Jeanne de Laval (la seconde épouse du roi) puis à l’un des cavalier du roi Charles VIII lors du décès de la reine.
Au XVIe siècle, elle fut vendue à l’archevêque d’Aix qui la céda au Chapitre de Saint-Sauveur le 21 Août 1504. L’histoire ne s’arrête pas là puisque la ville fini par en faire l’acquisition le 14 Janvier 1564 avec le projet d’y installer un infirmerie. Et c’est à ce moment précis, que cette bastide « de Pérignane » allait peu à peu perdre cette dénomination et en gagner une autre… les Infirmeries.
2 – De la Bastide aux Infirmeries :
Au cours du XVIe siècle, la peste a sévit à de nombreuses reprises à Aix, la ville fit alors l’acquisition de l’ancienne bastide du roi afin d’y établir des infirmeries. Le lieu ne fut pas choisi par hasard, à l’époque cette zone à deux pas de l’Arc était éloignée de la ville et donc isolée afin de limiter les risques de contagion.
Le bâtiment tel qu’on le connait aujourd’hui fut réalisé en deux étapes séparés d’un siècle :
1564 : La première partie : L’hôpital fut commencé en 1564 et achevé deux ans plus tard, c’est l’aile du bâtiment actuel qui a ses façades donnant au nord et au sud. Il fut bâti dans le prolongement ouest de l’ancienne bastide qui fut alors englobée dans l’édifice. Ce bâtiment d’environ 80 mètres de long servait non seulement à accueillir les malades, mais aurait aussi été utilisé pour le stockage des denrées issues des récoltes de la campagne environnante (lorsque les locaux n’étaient pas occupés, entre deux épidémies).
1671 – La seconde partie : Devant la recrudescence des épidémies et la saturation des hôpitaux de la ville face à l’afflux croissant de malades, une seconde aile légèrement plus longue et plus haute fut construite en 1671, reliée à la première le tout formant une sorte de « L » inversé. C’est l’aile qui a ses façades donnant sur l’est et l’ouest.
L’épidémie la plus importante à Aix (et dans toute la Provence) fut celle de 1720 : rien qu’aux Infirmeries de l’Arc, d’Août 1720 à Juillet 1721 on dénombra pas moins de 1308 victimes de la peste. Pour cette même période on compta 7534 morts à Aix soit le tiers des habitants de la ville (selon l’historien Ambroise Roux-Alphéran). Cette épidémie qui prit fin vers 1722 fit au total près de 120000 morts sur les 400000 habitants que comptait la Provence à l’époque. C’est donc plus d’un quart de la population provençale qui fut décimée en l’espace de seulement 2 ans.
Pour l’anecdote, toujours au cours de cette épidémie, on peut lire que pour faire face à l’insuffisance d’infirmiers, on aurait eu recours à des filles de joies.
Plusieurs de ces courageuses femmes au cœur bon, furent victimes de leur dévouement.
A partir de ces informations, nous pouvons déjà résumer la chronologie de la construction des différents éléments de l’édifice sur la photographie ci-dessous:
– En N°1: là où tout a commencé, l’emplacement de l’ancienne Bastide du roi René au XVe siècle.
– En N°2: la première aile des infirmeries bâtie au XVIe siècle en 1564.
– En N°3: la seconde aile des Infirmeries bâtie au XVIIe siècle en 1671.
L’ancienne Bastide du roi fut ainsi englobée dans l’édifice au fil des agrandissements.
3 – Les Infirmeries au XIXe siècle :
Au XIXe siècle, ça n’est plus la peste mais des épidémies de choléra qui s’invitèrent dans les environs. Raison pour laquelle la garnison d’Aix s’installa provisoirement aux Infirmeries au début de ce siècle, pas pour y être soigné, mais pour se préserver du mal. Quelques années plus tard, retour aux Infirmeries pour la garnison. Cette fois-ci, point de maladie, seulement un manque de place dans les casernes.
Par chance, avec le temps, les épidémies se firent de plus en plus rares dans le pays et les Infirmeries n’avaient plus guère d’utilité. Ce qui ne veut pas dire pour autant que le lieu était vide de toute vie. Divers artisans s’y implantèrent…
4 – L’artisanat aux anciennes Infirmeries au XIXe siècle :
Les lieux ont ainsi accueilli une imprimerie sur étoffes et des graveurs jusqu’en 1845 (la fabrique Holive); puis un four à potier en 1846 (MM. Ripert et Doumet). Ces deux industries n’y restèrent que peu d’années. De même que pour le tanneur (Mr Farjon) qui succéda au potier. D’autres tanneurs s’étaient installés non loin des Infirmeries peu d’années après (MM. Delpech et Albigés) dans une construction indépendante près de l’Arc.
5 – Les Infirmeries de nos jours :
Au XXe siècle le lieu continua son existence, dressé au milieu d’un décor dénué de constructions et entouré par la campagne. Tellement rural que l’on aurait bien du mal à l’imaginer aujourd’hui.
Raison de plus pour découvrir les lieux en 1959 sur la photo ci-dessous:
Et voici le quartier de nos jours:
(sous réserve de modifications en cas de travaux)
Pour en revenir aux Infirmeries, ou du moins à ses murs, le tout fut définitivement réhabilité vers 1985 dans le but d’une rénovation et d’une transformation en résidence hôtelière. Des photographies des lieux datant de 1985 lors des travaux de rénovation sont disponibles à cette adresse: paca.culture.gouv.fr (chargement parfois long…). A noter qu’une moitié de l’aile sud accueille aujourd’hui les locaux de la piscine du Val de l’Arc.
En conclusion :
De nos jours, il est difficile d’imaginer la bastide telle que le roi René l’a connue, en raison du temps mais aussi et surtout des multiples travaux effectués. On distingue malgré tout encore très bien les deux ailes ainsi que le bâtiment central, légèrement différent dans son style et ses proportions les reliant en angle droit. C’est de cette construction qui fait l’angle qu’à démarré toute l’histoire car aussi « petite » soit-elle et malgré le fait qu’elle ai été sûrement modifiée lors de son intégration aux deux ailes, il faut se rappeler que c’était elle la Bastide du Roi René.
– Note: Le lieu étant aujourd’hui une résidence hôtelière et donc une zone privée, je n’ai pas pu faire de photographies de l’intérieur de l’édifice. Pour l’extérieur j’ai du faire comme j’ai pu en fonction des différents arbres qui me cachaient la vue.
– Sources :
Le Mémorial d’Aix du 19 septembre 1907
Le Mémorial d’Aix du 26 septembre 1907
Le Mémorial d’Aix du 10 novembre 1907
Ambroise Roux-Alphéran : Les rues d’Aix – Tome 2 (1848)
et pour les vues aériennes anciennes : Remonter le temps (service de Géoportail)
Merci beaucoup pour ces infos !
Peut-être que l’une des tanneries dont j’ai eu vent (et dont j’ai un peu parlé dans l’article) était le bâtiment que vous mentionnez.
La discothèque, à tout hasard, c’était le Damier ou je confond ?