Article initialement publié le 20 février 2015
– Entièrement réécrit, sujet étendu et nouvellement illustré pour au 17 juin 2022.
Cet article est une révision complète de l’ancien article consacré initialement à la fontaine des Chevaux-Marins. Beaucoup plus d’éléments y ont été ajoutés et il traite désormais du Cours et de la place de la Rotonde dans leur globalité dans la mesure où leurs histoires ont été liées.
Le cours Mirabeau et la place de la Rotonde :
Cet article est consacré à l’histoire de l’ouverture du cours Mirabeau qui fut liée à la création de la place de la Rotonde. Autrefois promenade fermée à l’ouest, le Cours fut à la fin du XVIIIe siècle, ouvert sur une nouvelle place, celle de la Rotonde.
Le voyage se fera de la création du Cours au milieu du XVIIe siècle, et s’achèvera au XIXe, période où eurent lieu les dernières modifications majeures de l’entrée de cette artère.
Pour mieux comprendre le tout, le récit de cet article sera agrémenté de plans simplifiés et de vues en superpositions et d’illustrations.
– Note : J’utiliserai très souvent dans cet article le mot Cours, avec une majuscule, pour parler du cours Mirabeau. Majuscule pour indiquer qu’il s’agit de ce cours et pas d’un autre et Cours « tout court » pour ne pas avoir à citer sans cesse le nom de Mirabeau.
État des lieux au XVIIe siècle :
Seconde moitié du XVIIe siècle : Une nouveau quartier et une nouvelle voie pour Aix :
Le Cours (Mirabeau) et le quartier Mazarin sont apparus dans la seconde moitié du XVIIe siècle, doublant la superficie de la ville en direction du sud. Le rempart qui entourait déjà la ville fut, de fait, étendu le long de ce nouveau quartier afin de l’inclure dans la ville.
Le Cours, quant à lui, ne s’ouvrait pas comme de nos jours vers l’ouest. Tout d’abord car il fut initialement pensé comme une promenade et ensuite car le rempart fermait l’une de ces extrémités. Le Cours était donc une impasse. Quant à la place de la Rotonde, sortez la de votre tête pour l’instant, elle n’existait pas encore.
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Le plan ci-dessous illustre les lieux tels qu’ils étaient à la fin du XVIIe siècle. On y retrouve :
– Le Cours à droite, entouré par les constructions en orange ;
– En rouge : le rempart d’alors ;
– En marron et vert : les terrains et voies qui passaient en contrebas du rempart.
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Fin du XVIIe siècle – début du XVIIIe : on veut aérer et décorer l’extrémité ouest du Cours :
A la toute fin du XVIIe siècle, des sources d’eau furent découvertes en contrebas du Cours, au pieds des remparts.
Afin de les exploiter, notamment par le biais d’une nouvelle fontaine, la municipalité prit la décision d’abattre cette partie des fortification.
L’extrémité ouest du Cours ne se terminerait plus par un simple rempart, elle serait désormais ouverte et bien plus jolie.
XVIIIe siècle – La fontaine des Chevaux-Marins et sa balustrade :
Au début du XVIIIe siècle, suite à la décision prise à la fin du siècle précédent et pour ornementer cette extrémité du Cours, le rempart avait donc disparu.
Désormais, une fontaine et un balcon orné de plusieurs balustres firent leur apparition.
Comparé à ce que nous connaissons, le niveau du sol de la zone où se trouve la place de la Rotonde et les Allées Provençales était situé plus en contrebas et le Cours s’achevait abruptement, avec ce balcon qui offrait alors une vue sur la campagne aixoise.
La nouvelle fontaine qui clôturait désormais le Cours était celle des « Chevaux-Marins ». On peut l’observer ci-dessous, avec en arrière-plan la balustrade :
– La même vue de nos jours :
Cette fontaine, qui fut probablement la plus monumentale du Cours, était ornée de deux chevaux marins en plomb. On préféra ce métal plutôt que du bronze qui était trop coûteux à l’époque.
Les chevaux furent coulés à Aix par un fondeur du nom de Gallopin. On y voyait des chevaux tirant le char de Neptune dans un bassin, le tout faisant face au Cours. Le jet central lui, atteignait une hauteur de vingt pieds (env. six mètres). La balustrade, derrière elle, était composée d’environ une centaine de balustres.
La vue ci-dessous nous montre l’allure qu’avait le Cours à l’époque. La vue est en direction de l’Est. On peut y voir de bas en haut : le mur supportant le balcon et ses balustres, la fontaine de laquelle jaillit un grand jet d’eau, et le Cours planté de nombreux arbres.
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Le plan ci-dessous représente la nouvelle configuration du quartier à partir du début du XVIIIe siècle :
– En rouge: le tracé des remparts à l’époque ;
– En pointillés jaunes : l’emplacement de la nouvelle balustrade / balcon ;
– En bleu : la nouvelle fontaine des Chevaux-Marins ;
– En marron et vert: les routes et la zone en contrebas.
Situons l’emplacement des remparts, de la balustrade et de la fontaine sur une vue actuelle des lieux :
Seconde moitié du XVIIIe siècle – L’ouverture du Cours :
La seconde moitié du XVIIIe siècle est marquée par la volonté de la municipalité d’ouvrir le Cours afin d’y créer une place sur lesquelles convergeraient les routes d’Avignon et de Marseille.
Plusieurs projets furent envisagés, comme celui de conserver la fontaine des Chevaux-Marins en créant deux ouvertures pour les « voitures » publiques : l’une s’ouvrant sur l’actuelle rue Espariat, l’autre sur la rue Mazarine, ou encore le projet un peu trop grandiose de Gilles Cauvet (voir article dédié).
La réalisation de cette démarche nécessitait de lourds travaux, en particulier ceux consistant au remblayage de la vaste zone en contrebas du Cours (où se trouve l’actuelle place de la Rotonde) qui se trouvait alors bien plus bas que la ville.
– Autres problèmes : la balustrade et la fontaine des Chevaux-Marins se trouvait en plein milieu du Cours.
Malgré la complexité de la tâche, le projet de la nouvelle place fut mis en application, mais la fontaine des Chevaux-Marins et la balustrade allaient en faire les frais…
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Le remodelage de l’entrée du Cours et la naissance de la place de la Rotonde :
A partir de 1780, la ville débuta l’acquisition des parcelles situées à l’ouest en contrebas du Cours. Elles furent rachetées à des particuliers mais aussi à des religieux comme les Carmes Déchaussés. Installés là depuis 1664, les travaux nécessitaient de détruire leur couvent. Il furent alors transférés dans l’église de l’Annonciade.
Les matériaux utilisés pour remblayer ce qui allait devenir la place de la Rotonde provenaient, en majorité, directement du chantier de démolition de l’ancien palais des comtes de Provence qui se déroulait au même moment au quartier des Prêcheurs.
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La fontaine des Chevaux-Marins :
La fontaine des Chevaux-Marins, pour laquelle il fut question, un temps, de la conserver, fut démolie à la fin du printemps 1783. De cette fontaine, il ne reste plus rien.
On peut cependant encore l’observer à Aix sur une fresque visible dans l’ancienne halle aux grains qui accueille aujourd’hui une annexe de la bibliothèque Méjanes.
Cette œuvre a été réalisée par à Emile-Félicien Lombard (1883-?), commis principal des Postes, conseiller municipal et artiste peintre en 1924 pour décorer le nouveau bureau de poste inauguré le 23 mars 1924 dans les murs de l’ancienne halle aux grains.
On retrouve le bas du Cours avec la balustrade qui le terminait, au devant de laquelle se trouvait la fontaine des Chevaux-Marins et son jet d’eau. Des personnages paradent dans le décor de l’allée, bordée par des ormeaux, remplacés avec le temps par des platanes :
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La mise à niveau du terrain – suite :
Une fois le remblayage en place, et le Cours à niveau, un pont fut installé à son entrée. Ce dernier enjambait un fossé formant deux bassins destinés à recevoir les eaux de la défunte fontaine des Chevaux-Marins. Pour achever le tout, une grille fut ajoutée pour fermer l’entrée du Cours, faisant de lui une nouvelle porte de la ville, la dixième à cette période.
Aux extrémités du Cours, deux corps de garde furent édifiés. Ils étaient prolongés le long des bassins par des portions de la balustrade qui fermait autrefois le Cours. Cette dernière n’avait en effet pas été totalement détruite sur ses extrémités, seulement sur sa partie centrale.
Sébastien Meunier a représenté cette nouvelle entrée de la ville d’Aix en 1792 pour l’ouvrage « Voyage pittoresque de la France« :
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Le plan ci-dessous illustre la nouvelle allure de l’entrée du Cours à la fin du XVIIIe siècle. On y retrouve :
– En marron : la zone remblayée (future place de la Rotonde) ;
– En rouge : les remparts :
– En jaune (longeant les bassins) : les parties restantes de la balustrade ;
– En jaune foncé (carrés) : les deux corps de garde.
Situons tous ces changements sur une vue actuelle des lieux :
Ci-dessous : une vue des lieux par Nicolas Chapuy dans la première moitié du XIXe siècle :
A compter de cette période, le Cours n’était donc plus une simple promenade en impasse, mais une voie publique, une entrée de ville, ouverte à la circulation.
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Une fontaine au milieu de le nouvelle place :
Pour ce qui est de l’aménagement de la place de la Rotonde, après plusieurs projets envisagés, notamment une grande colonne, c’est finalement celui d’y établir une fontaine monumentale qui sera retenu. Elle sera achevée en novembre 1860. – Voir article dédié à la fontaine de la Rotonde
Une autre vue de la place de la Rotonde vers 1860 par Honoré Gibert :
– La même vue de nos jours :
Fin du XIXe siècle – De nouveaux aménagements :
Si les aménagements furent titanesques au XVIIIe siècle, le Cours (devenu cours Mirabeau en 1876) allait encore voir son entrée changer à la fin du XIXe siècle.
– Le bâtiment de l’octroi – Détruit :
A l’été 1872, on commença par démolir le vétuste bâtiment de l’octroi qui se trouvait au nord de la place de la Rotonde. Son état et son emplacement ne correspondaient plus à l’allure de la place. Cet édifice est visible sur un cliché de Claude Gondran :
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– Les bassins à l’entrée du cours Mirabeau – Comblés :
A l’été 1881, les deux bassins à l’entrée du Cours furent comblés. La place était manquante, il fallait réaménager une entrée jugée trop à l’étroit. La disparition des bassins allait permettre d’élargir la voie entrante dans le Cours.
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Les portions de l’ancienne balustrade – Déplacées puis détruites :
L’ancienne balustrade formant le balcon édifié entre la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle avait été, en son centre, ouverte à la fin du XVIIIe pour permettre l’ouverture à la circulation. Deux portions de celle-ci restèrent cependant debout, de chaque côté de l’entrée du Cours, au bord des bassins, et reliées aux deux corps de garde.
En 1881, du fait du comblement des fossés et de l’ouverture encore plus grande du Cours, la municipalité (se refusant à démolir les balustres qui les entouraient) prit la décision de déplacer et réinstaller la balustrade au sud de la place de la Rotonde, à peu près là où se trouve l’embranchement de l’actuelle rue Gontard.
On ne pouvait que se réjouir d’une nouvelle vie pour ces éléments, issus d’une époque désormais révolue.
Malheureusement, en octobre – novembre 1910, les balustres furent enlevées de leur nouvel emplacement et auraient été brisées, disparues pour toujours.
Sur un très rare cliché, on peut observer une partie de ces balustres lorsqu’elles étaient encore à l’entrée du Cours :
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Les corps de garde à l’entrée du cours Mirabeau – Détruits :
Installés là à la fin du XVIIIe siècle, ces deux petits pavillons portant les n° 1 et 2 du Cours auraient pu subsister. En 1854, puis en 1881-82 la municipalité envisagea de les surmonter de sculptures.
Cependant, au vu de leur mauvais état et de leurs proportions, on prit la décision de les démolir. Ils disparurent en août 1882.
A proximité de leurs emplacements, on édifia les sculptures de François Truphème, inaugurées le 13 juillet 1883. – Voir article dédié à ces deux pavillons.
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Ci-dessous : la configuration des lieux après ces travaux :
– Les rempart, les fossés, le pont, les deux corps de garde et les portions de la balustrade ne sont plus là ;
– L’ouverture du cours est plus large ;
– La fontaine de la place est installée ;
– En mauve : les deux statues de Truphème.
Le cours Mirabeau et la place de la Rotonde :
Si rien ne destinait le cours Mirabeau à devenir une entrée de ville, le temps passant a prouvé le contraire. Désormais ouvert sur la place de la Rotonde, l’artère et la place sont désormais des éléments formant un ensemble devenu indissociable de l’identité d’Aix.
Depuis le XIXe siècle, l’entrée du cours Mirabeau n’a plus connu de modifications majeures. On peut néanmoins mentionner :
– L’opération de requalification du Cours qui eu lieu de février 2000 à juin 2002 ;
– Et la requalification de la place de la Rotonde de 2018 à 2019.
Résumé des grandes dates du Cours et de la place de la Rotonde :
– Milieu du XVIIe siècle : Création du Cours ;
– Fin XVIIe – début XVIIIe : Destruction du rempart, création de la balustrade et de la fontaine des Chevaux-Marins ;
– Milieu du XVIIIe siècle : Début des réflexions à propos de la création d’une nouvelle place à l’ouest du Cours ;
– 1780 : Début des acquisitions par la ville des parcelles nécessaires à la création de la place de la Rotonde ;
– 1780-1790 : Aménagement des fossés, destruction de la partie centrale de la balustrade, installation d’un pont, d’une grille, construction des deux corps de garde et début de la mise à niveau du Cours avec les terrains de la future place ;
– Août 1783 : Destruction de la fontaine des Chevaux-Marins ;
– Fin du XVIIIe siècle : Fin de la mise à niveau de la future place de la Rotonde avec le Cours ;
– Novembre 1860 : Achèvement de la fontaine de la Rotonde
– Été 1872 : Démolition du bâtiment de l’octroi ;
– Fin 1876 : Le Cours prend le nom de Mirabeau (arrêté du 3 novembre, approuvé par décret du 5 décembre) ;
– Été 1881 : Comblement des fossés à l’entrée du Cours et déplacement des portions de la balustrade au sud de la Rotonde ;
– Août 1882 : Démolition des deux corps de garde à l’entrée du Cours ;
– Juillet 1883 : Inauguration des statues de Truphème à l’entrée du Cours ;
– Octobre-Novembre 1910 : Destruction des balustres installées au sud de la place de la rotonde, initialement issues de l’entrée du Cours.
– Février 2000-Juin 2002 : Requalification du Cours ;
– 2018-2019 : Requalification de la place de la Rotonde.
– Sources:
Jean Paul Coste – Aix en Provence et le pays d’Aix
Marcel Provence (Joannon)- Le Cours Mirabeau
Date de destruction de la fontaine des Chevaux-Marins voir Jean Boyer : Du Cours à carrosses au cours Mirabeau
Fontaine des Chevaux-Marins : Le Mémorial d’Aix du 11 octobre 1874 (page3, colonne 2)
Comblement des fossés en 1881 : Le Mémorial d’Aix du 31 juillet 1881 (page 2, colonne 3)
Destruction de l’octroi en 1872 : Le Mémorial d’Aix du 30 juin 1872 (page 2, colonne 1)
Disparition de la balustrade : La Provence Nouvelle du 6 novembre 1910 (page 2, colonne 1)
Fresque des Chevaux-Marins de 1924 : Le Mémorial d’Aix du 30 mars 1924 (page 1 colonnes 4-5)
– Articles du site à consulter pour des sources complémentaires :
La fontaine de la Rotonde en détails
Les deux anciens pavillons à l’entrée du cours Mirabeau
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