Situé entre le cours des Arts et Métiers et l’avenue Saint-Victoire, le parc Rambot fut inauguré au XIXe siècle en 1864.
Dans cet article, nous allons remonter le temps bien avant sa création et découvrir qu’il aurait pu ne jamais exister. Nous verrons aussi qu’il a accueilli un kiosque à musique durant plusieurs années. C’est parti pour un grand retour en arrière…
– Note : Sur la plupart des vues aériennes et plans, j’ai volontairement décentré le parc afin de laisser les actuels cours Saint-Louis et des Arts & Métiers visibles afin de mieux se repérer. Le nord se trouve vers le haut pour tout les clichés.
Le XVIIe siècle – Le début de la fin ?
L’histoire à peine commencée, elle aurait pu ne jamais avoir lieu. En effet, il faut savoir que la zone qui accueille le parc était à l’origine un espace dit pré ou enclos de Beaufort, nom qui venait d’une famille présente à Aix depuis le XVIe siècle et qui possédait ce terrain au moins depuis le XVIIe siècle. A cette période, certains habitants eurent la volonté de bâtir ce pré alors vierge de toute construction, ceci afin d’en faire un nouveau faubourg en périphérie de la ville. Car il faut rappeler qu’au XVIIe siècle nous étions en dehors de la ville, les remparts de celle-ci n’allant pas au delà de ce qui forme aujourd’hui la rive ouest du cours Saint-Louis.
– Note pour le plan ci-dessus : après réflexion, je ne suis pas vraiment sûr de la délimitation exacte de l’enclos. La zone était peut-être plus vaste et s’étendait probablement davantage vers l’ouest.
Un nouveau faubourg à cet emplacement? Pourquoi pas. En tout les cas, c’était l’avis de certains qui n’avaient qu’une seule chose en tête : construire et donc remplir. L’histoire aurait donc pu s’arrêter là, le faubourg ayant été construit, ce qui fait que le parc n’aurait pas existé (et mon article non plus d’ailleurs).
Seulement voila, il semblerait que cette idée de bâtir sur ce terrain ne fut pas du tout du goût du Conseil de Ville qui refusa la demande. C’est probablement en grande partie grâce à ce refus que le terrain resta épargné de toute habitation, continuant ainsi sa route au fil du temps, passant de propriétaires en propriétaires…
Le temps passa et le terrain fut ensuite acquis par l’archevêque d’Aix, à la fin du XVIIe siècle. Le terrain resta épargné là aussi de toute construction. La suite de l’histoire allait réellement se dérouler au XIXe siècle grâce à un certain Gustave Rambot…
Gustave Rambot acquiert le terrain :
Gustave Rambot est né en 1796. Au cours de sa vie il fut (entre autre) membre de l’Académie d’Aix et en 1856 il fit l’acquisition aux enchères de cette parcelle de terre qui allait bientôt se défaire de son appellation « d’enclos de Beaufort ». Cette zone deviendra dans un premier temps sa propriété, puis le parc qui porte son nom dans un second temps. Le plan ci-dessous nous montre l’état du quartier peu d’années avant que le terrain ne soit acquit par Rambot (et une quinzaine d’années environ avant que le parc ne soit crée).
Le Prix Rambot :
Chose que l’on sait moins à propos de Mr Rambot: il est aussi à l’origine d’un prix, le Prix Rambot. Dans un rapport d’une séance de l’Académie d’Aix (dont faisait partie Mr Rambot), paru vers 1860 (après sa mort) on pouvait lire quelques lignes qui reprenaient ses mots :
Je lègue 12000 francs à l’Académie des sciences, belles lettres et agriculture d’Aix, pour la fondation d’un prix destiné à rémunérer et honorer les belles actions et les bonnes, fussent-elles les plus modestes et les plus obscures.
Plus loin dans le texte, on apprend que le legs était de 12400 francs environ et que chaque année, un prix d’un montant de 545 francs était décerné par l’Académie « …s’il y a lieu, à l’œuvre la plus méritoire signalée à son attention… ».
L’attribution de ce prix ne semblait pas être une tache facile pour l’Académie car dans un autre rapport on pouvait lire :
La tâche que M. Gustave Rambot a léguée à l’Académie nous touche et nous flatte, sans doute, infiniment ; elle a cependant, Messieurs, un côté délicat et même douloureux. L’Académie doit choisir la vertu dans la vertu, et elle a ainsi, tous les ans, le chagrin bien senti de frapper d’exclusion des candidats d’un mérite incontesté, et qui tous auraient droit au prix Rambot, s’il ne devait appartenir au plus digne.
La création du Jardin Rambot :
Gustave Rambot décéda en 1859, soit trois ans seulement après avoir acquis l’ancien enclos de Beaufort. Il eu un dernier et ultime souhait pour sa propriété : la léguer à la ville aux seules conditions que celle-ci la transforme en jardin d’agrément et en lieu d’éducation. Le legs fut accepté par la ville par délibération du 27 septembre 1859 et inauguré en 1864 (voir dans le Mémorial d’Aix du 9 avril 1871 dans les sources).
Notons qu’à ses début, le parc couvrait une surface plus petite qu’aujourd’hui, « seulement » 10000m² environ. L’agrandissement et donc, sa taille actuelle, arriveront bien plus tard…
Comme on peu le voir sur le plan ci-dessus et la vue ci-dessous, Il ne s’étendait pas à l’est jusqu’à la rue Nostradamus comme aujourd’hui et s’arrêtait bien avant.
Signalons qu’une faute d’orthographe d’époque est présente sur le plan ci-dessus où le nom de « Rambot » est écrit « Rambaud ».
Comme un « petit » oubli :
Dans le Mémorial d’Aix du 9 Avril 1871 (voir sources), on pouvait lire que la ville songeait sérieusement à corriger un oubli et pas des moindres : poser une plaque de marbre rappelant le nom de Mr Rambot. Oui, celui sans qui ce parc n’aurait jamais existé. En clair, le parc avait été inauguré depuis sept années grâce au legs de Mr Rambot et depuis tout ce temps, rien sur place ne mentionnait le nom de cet homme. Après tout, cela ne faisait « que » 7 ans que le parc existait grâce à son legs. Mieux vaut tard que jamais comme on dit…
C’est à croire que les leçons du passé ont été retenues, car de nos jours ça n’est pas par une, mais par quatre fois (sans compter les panneaux actuels) que son nom est gravé sur chacun des piliers entourant les portails des entrées sud et nord du parc.
Le kiosque à musique du parc Rambot :
Il n’est plus là de nos jours mais un kiosque à musique existait bel et bien au parc (ou jardin) Rambot. Ce kiosque qui se trouvait à peu près au centre du parc fut inauguré le jeudi 19 juin 1947.
– Vous pouvez voir l’affiche annonçant l’événement ci-dessous (cliquez pour mieux la voir sur le site de la Méjanes) :
Les festivités de l’inauguration se déroulèrent sur pas moins de cinq jours ! Autant dire que ce dut être quelque chose d’important. Au programme : des concerts et des jeux.
Sur la vue aérienne ci-dessous datant de 1964, on distingue mieux cet ancien kiosque à musique :
Le kiosque à musique resta en place durant 28 années et fut détruit en 1975 lors d’une opération visant à profondément réhabiliter le parc. Cette réhabilitation eu lieu en raison du mauvais état de celui-ci durant les années précédentes, ce qui lui avait causé quelques dégâts. Sur la photo ci-dessous datant de 1975, on distingue aisément les travaux en cours. On y voit aussi que plusieurs arbres furent enlevés.
En 1981, le parc fut agrandi d’environ 3000 m² supplémentaires vers l’est lui donnant ainsi sa taille actuelle. Ce nouvel agrandissement est la zone qui accueille aujourd’hui les terrains de jeux pour enfants le long de la rue Nostradamus. Au total, le parc Rambot couvre désormais une surface d’environ 13000m². On peut y accéder par deux entrées : l’une au nord dans la rue Sainte-Victoire, l’autre au sud par le cours des Arts et Métiers.
Ajoutons qu’en avril 2015, des travaux ont débuté dans le parc afin d’y bâtir une maison qui accueillera un gardien dès l’hiver suivant. Il sera chargé de l’entretien du site et de sa surveillance.
Le parc Rambot de nos jours :
Aujourd’hui, le parc est vivant et toujours autant occupé. Petits et grands y trouvent leur bonheur quelque soit la période de l’année ou le jour de la semaine.
Que ce soit les plus jeunes grâce aux jeux et au petit bassin l’été, mais aussi les étudiants qui y viennent la semaine pour leur pause déjeuner ou pour s’y prélasser quand l’envie leur en dit. Sans oublier les plus anciens qui viennent tout simplement y passer du bon temps.
Un nom qui est resté :
Si vous vous souvenez bien, à l’origine, le nom de cette zone était l’enclos de Beaufort. Et bien sachez que ce nom est encore présent dans le quartier. On trouve en effet une traverse (ou plutôt une impasse) parallèle au cours des Arts et Métiers qui porte le nom de Beaufort. Sur certains plans anciens, cette voie est aussi nommée « impasse Saint-Louis ».
Si ce nom de Beaufort vous dit aussi quelque chose en dehors de cet article, c’est peut-être car en septembre dernier vous avez aperçu un décor du film « Cezanne et Moi » en cours de tournage à Aix (voir l’article et les photos) sur la place de l’Archevêché. Il faut en effet savoir que ce décor représentait un café qui a réellement existé à Aix entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe : le café Beaufort.
Pour les besoins du film et sans doute par côté pratique, le décor fut construit sur la place de l’Archevêché, mais autrefois, le « vrai » café se trouvait entre le cours des Arts et Métiers et cette traverse qui a gardé ce nom de Beaufort.
Une question subsiste :
La propriété de Gustave Rambot est donc devenue un jardin (ou parc) public comme il le souhaitait. Mais si l’on se remémore attentivement les conditions du legs fixées par Mr Rambot, il y avait une seconde condition : en faire aussi un lieu d’éducation (ou d’instruction). Qu’en est t’il réellement de celle-ci? Je ne saurais vous donner une réponse que je n’ai malheureusement pas.
Quelques mots pour finir…
Je finirai cet article en citant l’un des membres de l’Académie d’Aix, qui dans un rapport de 1869 rendait hommage à Gustave Rambot par ces quelques mots :
…M. Rambot fut avant tout un cœur excellent, bienveillant pour tous, tendre aux misères humaines, sympathique à la vertu. Son ombre a souri de joie quand naguère ses jardins, devenus par un aimable legs propriété publique, se sont ouverts aux jeux de l’enfance, aux pas fatigués du vieillard, et aux studieuses méditations du sage…
– Sources écrites :
A propos de la famille Beaufort
le Mémorial d’Aix du 9 Avril 1871 (Page 2)
Le site de la ville d’Aix
E-corpus – Dossier de la Bibliothèque Arbaud
Ambroise Roux-Alphéran – Les rues d’Aix – Tome 2
A propos du Prix Rambot (1)- Academie d’Aix vers 1860 (Google Books)
A propos du Prix Rambot (2) – Gallica
A propos de l’agrandissement de 1981
A propos des travaux de 2015 : C.I.Q. Pont de Béraud
– Sources iconographiques :
Pour les vues aériennes anciennes : Remonter le temps (service de Géoportail)
Plan d’Aix par Devoux en 1753 (Wikimedia)
Plan d’Aix par Gasquy en 1848 (Gallica BNF)
Plan d’Aix par Makaire en 1897 (Gallica BNF)
Une photo du parc par Claude Gondran (fin XIXe – début XXe)
Une affiche de l’inauguration du kiosque à musique du parc en juin 1947 (Archives Méjanes)
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