La cathédrale Saint-Sauveur existe depuis plusieurs siècles à Aix-en-Provence.
Cet édifice n’a pas été bâti en une fois, en effet, l’allure qu’elle possède de nos jours est le résultat de multiples ajouts et remaniements qu’elle a connus au fil des siècles, ce qui explique qu’elle ne présente pas du tout un ensemble homogène.
Dans cet article, nous allons nous pencher sur le fait que si son dernier agrandissement majeur remonte aux XVIIe – XVIIIe siècles, en réalité, son apparence, telle qu’elle est aujourd’hui, ne remonte qu’à la fin du XIXe siècle.
Mais avant d’aller plus loin, abordons rapidement son historique. Je ne le creuserai pas en détails, mais seulement dans les grandes lignes.
Chronologie très simplifiée de la cathédrale Saint-Sauveur :
Très simplement, la chronologie des éléments de l’édifice peut être résumée comme suit :
– Des éléments de la partie formant le baptistère remontent aux Ve – VIe siècles ;
– Ce même baptistère fut remanié à plusieurs reprises au moyen-âge ;
– La coupole de ce même baptistère fut intégralement reconstruite au XVIe siècle ;
– Une première nef fut édifiée au XIe siècle ;
– La nef romane Saint-Maximin et le cloître remontent au XIIe siècle ;
– La nef gothique (centrale) remonte aux XIIIe – XIVe siècles, prolongeant l’ancienne nef du XIe ;
– Le clocher débuté au XIVe siècle fut achevé au XVe ;
– La dernière travée ouest de la nef centrale, la façade et l’escalier du clocher remontent aux XVe – XVIe siècles ;
– Les portes de la nef centrale remontent au début du XVIe siècle ;
– La nef Notre-Dame de l’Espérance et les chapelles qui la longent au nord remontent aux XVIIe – XVIIIe siècle.
Donc pour résumer, entre la nef romane Saint-Maximin et la dernière nef Notre-Dame de l’Espérance, ce sont plusieurs siècles qui se sont écoulés, et autant de styles architecturaux qui on existé, ce qui explique son coté « patchwork / mille-feuilles » difficilement saisissable au premier coup d’œil.
La construction du clocher de la cathédrale Saint-Sauveur
La construction du clocher de la nef gothique de la cathédrale Saint-Sauveur débuta en 1323 puis fut stoppée. Son édification ne fut reprise qu’en 1410 et le clocher fut achevé en 1423 (1).
On aurait donc ici un clocher construit en deux étapes.
Si la chronologie exacte de son édification n’est pas du tout certaine, on peut emmètre l’hypothèse que ses deux étapes sont les suivantes (2) :
– 1323 – ? : Construction de la base carrée du clocher s’élevant du sol jusqu’au faîte de la nef gothique ;
– 1411 – 1423 : Reprise des travaux avec la construction de la seconde partie carrée à partir du faîte de la nef, puis de la partie octogonale supérieure.
A noter que pour la deuxième étape de sa construction, peut-être par souci d’économies, on recycla en partie des blocs de pierres issus d’anciennes églises d’Aix qui se trouvaient dans l’ancienne Ville des Tours d’Aix, comme celles de l’ancienne église Saint-Laurent (3) ou de la première église Notre-Dame de la Seds (4), qui étaient alors à l’état de ruines.
Lors de l’achèvement du clocher, la dernière travée ouest n’était pas encore bâtie (elle ne le fut que dans le dernier quart du XVe siècle). Celui-ci se trouvait donc au niveau de la façade d’alors (5). On peut le constater sur la vue ci-dessous ou le clocher (en rouge) est bien en retrait par rapport à la façade (en jaune) construite après lui :
L’achèvement du clocher de la cathédrale
Comme dit plus haut, le clocher fut achevé dans la première moitié du XVe siècle.
Cependant, de nos jours, le clocher ne se présente pas à nous tel qu’il fut édifié et tel qu’il se présentait jusqu’au XIXe siècle. En particulier en ce qui concerne son sommet.
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Un clocher différent au XIXe siècle :
Commençons par observer un plan daté de 1843. Celui-ci nous présente :
– Une vue de la partie supérieure du clocher ;
– Des coupes des bases carrées et octogonales se situant au dessus du faîte de la nef.
En observant attentivement la partie octogonale supérieure du clocher, deux détails peuvent surprendre :
Il n’y a pas d’abats-sons sur les ouvertures verticales et surtout, le sommet ne possède pas de balustrade ni de pinacles, se terminant ici abruptement par des gargouilles.
Si ces parties ne sont pas visibles sur ce plan, ce n’est pas un oubli du dessinateur. En effet, jusqu’au XIXe siècle, le clocher de la cathédrale n’était pas couvert et ne possédait pas de décoration à son sommet (à part des gargouilles).
Des clichés réalisés dans le dernier quart du XIXe siècle par Claude Gondran et conservés à la bibliothèque Méjanes nous montrent le clocher tel qu’il était avant son couronnement :
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Moitié du XIXe siècle – Le projet :
On retrouve aux Archives Nationales un plan de l’architecte diocésain Henri Révoil datant de 1858, qui figure très précisément le projet d’un clocher qui serait désormais couvert, et surmonté d’une balustrade ornée de pinacles aux huit angles :
On y voit que la partie supérieure du clocher (balustrade, pinacles / clochetons) est indiquée comme « partie à construire » :
Bien que ce plan date de 1858, les travaux ne furent réalisés que plus tard.
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En 1873, nouveau plan, toujours par Révoil. Il est plus détaillé et figure notamment la structure de la charpente destinée à supporter les cloches.
Car le chantier, en plus d’orner le clocher d’une balustrade et de pinacles, avait aussi d’autres buts :
– Une couverture pour le clocher afin de le protéger des intempéries,
– Une charpente repensée pour une nouvelle disposition des cloches. A l’origine, elles étaient toutes placées sur une seule et même ligne. Dans un souci d’équilibre, elles allaient désormais être placées sur plusieurs niveaux pour une meilleure répartition de leur poids (6).
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1880 : Le début des travaux :
Les travaux furent lancés en juin 1880. La presse évoquait alors l’installation en cours des échafaudages nécessaires à la réalisation du projet (7). Le ministère des Cultes alloua un crédit de 15000 Fr d’alors pour le chantier.
En septembre 1880, les passants pouvaient apercevoir les bases des futur clochetons / pinacles qui devaient se trouver aux huit angles de la balustrade. D’après la presse, les pinacles devaient mesurer environ quatre mètres de haut et la balustrade environ un mètre (8).
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1881 – Une partie des travaux s’achève (et ne font pas que des heureux) :
En mars 1881, la couverture du clocher, la balustrade et ses ornementation étaient achevés. La charpente du beffroi quant à elle ne l’était pas encore, en raison du fait que la complexité des travaux demanda plus de temps que prévu.
Si la presse se félicitait du clocher désormais couvert et protégé des pluies, elle ne semblait en revanche guerre emballée par la couleur de la balustrade (9). On pouvait alors lire :
« Un point sur lequel il y a unanimité, c’est le mauvais effet produit par la crudité de ton de cet appendice dont le blanc criard jure avec la teinte dorée donnée par le temps à l’ensemble du clocher. A Paris, dès que les réparations d’un monument ancien sont terminées, on a hâte d’harmoniser les parties neuves et les parties vieilles au moyen d’un badigeon intelligent, dont la nuance a été cherchée et trouvée par la chimie. Il y a urgence à appliquer ce procédé au couronnement du clocher de saint-Sauveur, dont l’élévation fait encore plus ressortir la différence de sa couleur avec celle de la lanterne et choque plus désagréablement les yeux »
En effet, le clocher de la cathédrale était (et est toujours) sur un ton doré, tandis que les ajouts se démarquaient par leur couleur blanche (comme de nos jours), ne s’harmonisant pas assez avec l’ensemble préexistant.
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1881 (?) – La remise en route des cloches et la fin des travaux :
En ce qui concerne la date précise de la fin des travaux de la charpente (que je n’ai pas trouvée), on peut indiquer que la presse évoquait une remise en route des cloches pour la fête de la Toussaint de 1881.
Le (sommet du) clocher achevé :
Après avoir été commencé en 1323, puis achevé presque un siècle plus tard, le clocher possède depuis 1880-1881 une couverture ainsi qu’une balustrade ornée de huit pinacles dressés à chacun de ses angles.
– Petite comparaison en images ci-dessous :
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De nos jours :
La différence de couleur entre le clocher et son couronnement, évoquée par la presse en 1881, n’a jamais été corrigée et est toujours d’actualité mais est-ce réellement un problème ?
Pour ma part, la cathédrale n’étant, de toutes façons, pas un exemple d’homogénéité, je trouve que cela reste en quelque sorte une continuité dans la manière dont elle a évolué au gré des différents types architecturaux qui s’y sont greffés au fil du temps.
Bon, après, libre à chacun d’avoir son avis sur la question.
– Sources :
(1) Jean Pourrière – Aix, rues et monuments – pages 146-147 .
(2) Congrès archéologique de 1985 (pages 58-59) – Document très complet.
(3) Jean Pourrière : La ville des Tours d’Aix – page 49 – (1958)
(4) Jean Pourrière – Recherches sur la première cathédrale d’Aix-en-Provence – Page 26, note 3 (1939)
(5) Jean Pourrière – L’achèvement de Saint-Sauveur (1949)
(6) Le Mémorial d’Aix du 2 octobre 1881 (page 3, colonne 1)
(7) La Provence du 20 juin 1880 (page 2, colonne 3)
(8) La Provence du 5 septembre 1880 (page 2, colonne 2)
(9) Le Mémorial d’Aix du 27 mars 1881 (page 2, colonne 4)
(10) Le Mémorial d’Aix du 2 octobre 1881 (page 3, colonne 1)
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