Article publié initialement le 20 mars 2015 – mis à jour le 27 janvier 2020 :
– ajout de l’oratoire du pont des Trois Sautets à l’article.
Il faut bien l’avouer, un pont c’est bien pratique lorsqu’il s’agit d’aller d’une rive à l’autre. De nos jours, on en construit à la pelle et sans grande difficulté.
A présent imaginons la même chose en remontant le temps au XVIIe siècle, là c’est tout de suite moins évident d’imaginer l’édification d’un tel ouvrage, et pourtant.
Car celui que nous allons découvrir aujourd’hui, malgré ses 360 ans cette année 365 ans cette année suite à la mise à jour de l’article en 2020, est toujours en place à cheval entre les communes d’Aix et de Meyreuil. Mais nous allons aussi découvrir une terrible histoire, qui aurait pu le réduire purement et simplement au rang de souvenir.
Tout commence par un cours d’eau :
On ne peut pas évoquer le pont des Trois Sautets sans parler de ce qu’il enjambe : l’Arc.
Rappelons que l’Arc prend sa source dans le département du Var. Il est alimenté par près de 35 affluents sur sa route longue de plus de 80 kilomètres qui s’achève dans l’étang de Berre.
L’édification du pont :
Le pont des Trois Sautets tient son nom dit-on, des trois petits sauts qu’ils fallait faire à cet endroit pour traverser l’Arc avant son édification. Il y avait déjà sûrement quelques passerelles de bâties afin d’éviter de périlleuses acrobaties et qui évitaient ainsi une baignade forcée. Mais visiblement, cela ne suffisait pas… Il a donc fallu quelque chose de plus grand, plus large, plus dur, plus solide, en bref : un pont, un vrai.
L’édification du pont remonte à 1655 et lorsqu’on le voit, la première chose qui frappe c’est la prouesse technique, car malgré sa longueur il ne possède aucun pilier central. Si vous n’êtes pas fascinés, repensez à l’année de sa construction.
Evidemment au vu de son grand âge, il faut bien imaginer que depuis le temps plusieurs de ses pierres aient pu être remplacées et donc qu’il ne soit probablement pas « intégralement » de 1655. Pour situer son apparition par rapport à l’histoire de la ville, sachez qu’à l’époque de l’édification de ce pont, le Cours Mirabeau n’avait même pas dix ans.
Il est vrai qu’il n’est pas bien large comparé à ce que nous connaissons de nos jours, une voiture et un piéton suffisent à en remplir la largeur, mais il faut imaginer le confort qu’il a apporté à l’époque et les siècles suivants. Ceci aussi bien pour le transport de marchandises que pour de simples déplacements.
Le pont au XIXe siècle :
Le temps passe vite, nous voici désormais au XIXe siècle, c’est à cette période qu’il allait faire la connaissance d’un artiste qui le rendra célèbre sur ses toiles : un certain Paul Cezanne.
Paul Cezanne aimait à se retrouver en ces lieux. Plus jeune, il arpentait les rives de l’Arc avec son ami Emile Zola. Peut-être se baignaient-ils sous ce pont ? Toujours est-il que plus vieux, il s’y rendait souvent et l’a peint à plusieurs reprises.
Ce pont, présent depuis un peu plus de deux siècles à ce moment de l’histoire était bien loin d’imaginer le sort que l’on souhaitait lui réserver au siècle suivant…
Le pont au XXe siècle, un avenir incertain ?
Nous voila à présent au début du XXe siècle, une période sombre pour ce pont car on apprend dans le Mémorial d’Aix du 18 Mai 1905 (voir dans les sources), que « …le pont ne soit à brève échéance démoli pour être remplacé par un ouvrage d’art (!)… » Une décision qui aurait été prise par la municipalité de Meyreuil.
La presse locale suivie par le comité de protection des sites de Provence (comité qui parmi ses membres comptait entre autre Jean-Baptiste Chanot, le maire de Marseille à l’époque et le célèbre écrivain Frédéric Mistral) se mobilisa contre cette folle décision. Durant quelques mois, sa destinée est plus qu’incertaine.
Il faudra attendre le Mémorial d’Aix du 1er Novembre 1905 (voir dans les sources) pour que sa sauvegarde y soit confirmée dans un article où l’on apprend que la démolition du pont est heureusement abandonnée.
A la suite de cette affaire, la décision fut également prise de constituer un comité spécial « …auquel seraient soumis tous les plan d’hôtels, casinos et établissements thermaux devant être construits dans la région, cela pour éviter les vilaines constructions susceptibles parfois de gâter de beaux sites…« .
Le pont fut finalement sauvé et continua ainsi son existence et selon plusieurs sources, reçu la visite de Winston Churchill (ancien premier ministre britannique) qui aimait s’y rendre lorsqu’il était logé à l’ancien hôtel du roi René.
Le pont au XXIe siècle :
Aujourd’hui, ses berges sont relativement praticables mais je ne parle que de celles à l’est, car celles à l’ouest sont peu accessibles et il faudra vous accrocher aux branches pour les atteindre. Sur place, on trouve une représentation du pont par Cezanne réalisée au tout début du XXe siècle.
L’oratoire du pont des Trois Sautets :
Depuis le XVIIIe siècle, à quelques dizaines de mètres de l’entrée nord du pont, se trouvait un oratoire daté de 1720 et qui était dédié à la Sainte Vierge. Il accueillait une statue de la vierge plus récente datant de 1976.
– Ci-dessous l’oratoire en mars 2011 :
Mais cette statue très récente dans ce si vieil oratoire ne fut pas la première. La revue « Le Feu » (n° du 15 mai 1935 dédié aux oratoires de Provence – page 105), indique, par exemple, que l’oratoire accueilli au XIXe siècle une grande statue de la vierge jusque vers 1890, période où cette dernière aurait été détruite, ayant été jetée en contrebas de la rive, dans l’Arc, par des individus. Cette statue détruite au XIXe siècle ne fut d’ailleurs peut-être pas la première non plus à avoir orné l’oratoire.
– Ci-dessous l’oratoire en juillet 2008 :
D’un point de vue patrimonial, il faut savoir que cet oratoire dit « du pont des Trois Sautets » ou « Notre-Dame » fut inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques (et pas classé, ne pas confondre) par arrêté du 22 juillet 1935.
– Ci-dessous, une illustration de l’oratoire publiée dans La revue « Le Feu » (n° du 15 mai 1935 dédié aux oratoires de Provence – page 107) *voir sources :
L’histoire de l’oratoire s’est ternie dans la nuit du 12 au 13 novembre 2011, ou un automobiliste ratant probablement son virage l’a percuté avec son véhicule, l’endommageant et désolidarisant les pierres qui restaient encore debout. Miracle ou non, la statue s’en est quant à elle sortie indemne. Cependant, au vu de l’état fortement dégradé de l’ensemble suite à cet accident, décision fut prise de le mettre à l’abri, et donc de l’enlever lui et la statue de leur emplacement (source : La Provence du 17 novembre 2011 et les-oratoires.asso.fr).
– Ci dessous, l’emplacement de l’oratoire en juillet 2013 :
Après presque une décennie et de multiples démarches, un projet semble enfin être sur les rail. Il serait prévu que :
– l’oratoire devrait retrouver sa place originale,
– il serait reconstruit à l’identique, en partie avec des pierres qui le composaient,
– il devrait aussi retrouver la vierge qui l’ornait.
(Source : La Provence du 22 décembre 2019)
Un début, à suivre donc.
– Sources:
etoilesaintmichel.cef.fr
Mémorial d’Aix du 18 Mai 1905
Mémorial d’Aix du 1er Novembre 1905
ciq-cezanne-aix – 27 Mai 2012
Illustration Revue « Le Feu » (n° du 15 mai 1935 dédié aux oratoires de Provence – page 105) Cote : PER0820 – Conservé à la bibliothèque Méjanes à Aix-en-Provence
Classement de l’oratoire : culture.gouv.fr – Base Mérimée
Le CIQ du quartier, dont je suis la présidente, a entrepris, depuis des années, de nombreuses démarches pour que soit établi pour ce pont historique une mesure de protection aux titres des Monuments Historiques.
Cela a failli aboutir. En effet, après maints et maints courrier aux élus, aux responsables de divers administrations…en dernier ressort, le CIQ a appeler l’attention du ministre de la culture de l’époque sur la sauvegarde du pont des Trois Sautets et de son environnement désastreux. Ce dernier a été sensible à notre requête. La DRAC a alors engagée une procédure de protection qui malheureusement a échouée car le Conseil Général – Directions des Routes -, propriétaire du pont, s’est opposé, pour des raisons qu’on devine, à la mesure de protection du Pont des Trois Sautets qui aurait sauver ce patrimoine.
Le pont aujourd’hui est en danger.
Mais il est vrai qu’en revérifiant sur le site des Monuments Historiques : https://goo.gl/gpbSP9 il n’y a que l’oratoire et pas le pont. En espérant que cela ne lui porte pas préjudice dans le futur.
Merci de m’avoir corrigé. J’ai rectifié l’article.