Article initialement publié le 29 août 2015. – Mis à jour le 27 octobre 2021 (Ajout de la modélisation 3D du couvent et de l’église – en milieu d’article)
Souvenez-vous, dans le dossier consacré aux étroites ruelles du centre ancien, nous avions rapidement abordé le Passage Agard qui relie le Cours Mirabeau à la place de Verdun face au Palais de Justice. Vous avez sûrement entendu ou lu que ce lieu fut crée à l’emplacement d’un ancien couvent, celui des Grands-Carmes pour être exact. Et pourtant lorsqu’on l’emprunte, il est vrai que l’on a beaucoup de mal à y voir un couvent. C’est tout à fait normal car les lieux ont beaucoup changé depuis l’installation de cet ordre religieux à cet emplacement au XIVe siècle.
Cet article sera pour nous l’occasion de revenir sur la présence des Carmes à Aix, nous découvrirons qu’ils n’ont pas toujours été installés à cet endroit, et nous tenterons de restituer l’apparence du Passage Agard lorsqu’il était un couvent. Nous verrons aussi qu’il en existe plusieurs vestiges et pas toujours où l’on pense.
Un petit sommaire ne sera pas de trop car le sujet est vaste:
1) XIIIe siècle, le premier couvent des Carmes
2) XIVe siècle, le second couvent des Carmes
3) XVIIIe siècle, la fin de l’église et du couvent des Carmes
4) XIXe siècle, Félicien Agard et l’idée d’un passage
5) XXIe siècle: les vestiges du couvent des Carmes
6) Galerie photos
7) En conclusion
1 – XIIIe siècle, le premier couvent des Carmes :
Les Carmes installèrent leur premier couvent à l’extérieur de la ville au XIIIe siècle. Rappelons par ailleurs qu’à cette époque, la ville était alors scindée en 3 zones: la ville Comtale au sud, le bourg Saint-Sauveur au nord (les deux étant séparées par un chemin suivant le tracé de l’actuelle rue Paul Bert), et une troisième zone dénommée Ville des Tours qui se trouvait à l’ouest de l’avenue De Lattre de Tassigny (voir Aix au fil des siècles).
Ce premier couvent se situait à l’est de la Ville des Tours, dans un (vague et imprécis) périmètre entouré par les actuelles rue Célony au sud, Emile Tavan à l’est, de la Molle au nord et De Lattre de Tassigny à l’ouest.
Ce couvent, comprenait aussi une église ainsi qu’un cimetière. Certaines tombes de ce cimetière furent mises au jour lors de fouilles en 2011. Elle ont été découvertes lors de travaux effectués tout près du supermarché Casino, à l’angle que forment la rue De Lattre de Tassigny et la rue Célony.
Suite à une invasion qu’a subi la Provence en 1357, les Carmes n’eurent d’autre choix que d’abandonner leur établissement afin de s’installer plus à l’est bien à l’abris intra-muros.
Notons au passage que ce précédent couvent, en plus d’être abandonné, fut détruit par les habitants d’Aix eux-mêmes. Cette précaution fut prise afin que cet établissement abandonné ne serve pas de point d’appui aux envahisseurs.
2 – XIVe siècle, le second couvent des Carmes :
Cherchant la sécurité, les Carmes installèrent alors leur second couvent au sud de la ville Comtale en 1358-59, non loin de l’ancien Palais des Comtes de Provence (aujourd’hui disparu et remplacé par le Palais de Justice et les Prisons).
A cette période, le rempart sud de cette partie de la ville longeait à peu près la rive nord de l’actuel Cours Mirabeau. Là aussi, la disposition semble avoir été la même, les lieux comprenant église, couvent et bâtiments conventuels mais à un détail près: je n’ai pas trouvé la mention d’un cimetière. Ceux-ci étaient pourtant fréquents près des édifices religieux à l’époque mais ni les plans, ni les écrits en ma possession n’en parlent.
Il semble qu’au fil des siècles, l’ensemble ait été agrandi par le biais d’ajouts de chapelles et d’autres constructions formant les lieux.
Cet édifice fut représenté sur bon nombre d’anciens plans d’Aix. Les façons dont il y est représenté divergent beaucoup de l’une à l’autre. Il ne faut donc pas en attendre une exacte reproduction.
– Voici deux vues des lieux antérieures au XVIIe siècle :
Au milieu du XVIIe siècle, suite à l’abattage des remparts en raison de l’extension de la ville au sud lors de la création du quartier Mazarin, le couvent donnait désormais sur le Cours Mirabeau (appelé « le Cours » à l’époque).
A la fin du XVIIe siècle, vers 1690, l’église reçu une majestueuse ornementation pour son plafond. Une fresque, réalisée de 1682 à 1694 – selon Boyer, voir sources) divisée en trois parties qui se présentait de la façon suivante : la première partie représentait Elie montrant à son disciple un nuage sortant de l’horizon ; la seconde, le même Elie enlevé au ciel ; et la troisième, la transfiguration. Peinte par Jean-Baptiste Daniel (1656-1720), elle n’allait malheureusement rester en place qu’un demi siècle, nous découvrirons pourquoi plus loin.
Avant d’avancer dans le temps, il est temps pour nous de nous arrêter au XVIIIe siècle car à partir de maintenant les choses vont beaucoup changer.
Le plan ci-dessus nous montre l’église au nord bâtie dans un axe est-ouest et le couvent donnant au sud sur le Cours Mirabeau. La rue Fabrot quant à elle n’a pas toujours porté ce nom car jusqu’en 1894 elle portait le nom de rue des Grands-Carmes en référence à l’ordre religieux qui s’y était installé.
Voici, ci-dessous, l’état du couvent et de l’église tel qu’ils étaient à cette période. Ici, plus de simple illustration, mais un plan fidèle qui nous donne une précise idée de la configuration de l’établissement. J’ai réalisé ce plan à partir d’une esquisse datant de 1782 issue des archives de la Méjanes. La décoration du jardin et sa verdure sont issues de mon imagination, en revanche la fontaine au centre de celui-ci figurait sur l’esquisse.
Détail particulier :
Deux chapelles furent abattues pour élargir la rue. Ce qui explique l’angle « coupé » à droite de l’entrée de l’église des Carmes visible ci-dessus et ci-dessous :
– Si l’on met en volume ce plan, voici le résultat :
En superposant ce plan de la fin du XVIIIe siècle (en jaune) sur le cadastre actuel (en noir & blanc), on constate que l’église débordait d’avantage sur la rue à l’ouest :
Le couvent des Grands-Carmes recréé en 3D :
A partir d’une estampe de la façade et d’un plan d’époque, j’ai tenté de réaliser une reconstitution de l’ensemble « église + couvent/cloitre ».
C’est, je le rappelle, une tentative où j’ai été obligé de faire un peu marcher mon imagination ; mais le but est surtout de donner ici une idée de l’espace qu’occupait l’ensemble et ce que cela donnerait dans le décor actuel.
Pour cette modélisation, j’ai représenté l’ensemble tel qu’il était avant la démolition des deux chapelles qui se trouvaient à droite de l’entrée de l’église.
Ci-dessous, le modèle 3D manipulable pour observer ma tentative de recréation de l’ancien couvent des Carmes (appuyez sur le bouton au centre pour manipuler le modèle à la souris ou au doigt – La visualisation sur smartphone peut ne pas fonctionner) :
Merci.